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sauvait à peine un malade sur vingt. La description de la maladie fut faite avec soin. D’après Sauvages, on pouvait entendre le bruit de la respiration à vingt pas, et en effet les médecins de Paris considéraient l’accélération des mouvemens du cœur comme un signe précurseur. On signale encore un écoulement par la vulve. Les larmes creusaient un sillon à la peau en coulant sur le chanfrein. Le marquis de Courtivron fit dans la Bourgogne des expériences fort instructives sur la contagion et sur l’inoculation. Il rapporte des faits d’un grand intérêt sur lesquels nous reviendrons, et qui prouvent que les cultivateurs peuvent, par un isolement complet et bien surveillé, préserver leurs animaux là même où la maladie sévit avec le plus d’intensité. À propos de cette épizootie, il fut publié plusieurs mesures législatives. Les arrêts du conseil du 24 mais 1745 et du 19 juillet 1746 constituent une législation complète de police sanitaire.

D’après quelques auteurs, la maladie qui au commencement du xviiie siècle avait fait périr un si grand nombre de bêtes à cornes, et qui est désignée particulièrement par le millésime 1711, aurait continué ses ravages jusqu’en 1770 avec des interruptions. On supposait, pour expliquer pourquoi à certaines époques on perdait peu de bétail, qu’elle devenait bénigne en s’acclimatant. C’est ce que font en général les maladies contagieuses ; mais quand de 1771 à 1775 on put l’observer avec ses caractères propres, on comprit qu’elle avait réellement cessé de sévir du moins en France pendant deux longues périodes. Vicq-d’Azyr, qui a été l’historien de cette épizootie, nous a transmis des renseignemens précieux sur la panière dont elle s’était propagée. — De l’Italie, où elle avait été introduite en 1771 par du bétail venu de la Hongrie, elle, gagna les autres états de l’Europe, et la France d’abord par les frontières du nord. Elle ne pénétra dans le midi qu’en 1774 avec des cuirs venus de la Zélande. Des bœufs de la paroisse de Villefranche la contractèrent en portant des peaux suspectes de Bayonne à une tannerie d’Asparen, et la communiquèrent aux animaux des métairies du voisinage. Quelque temps après, deux paroisses étaient infectées, et le commerce des maquignons la transporta en peu de temps dans des lieux très éloignés. Elle envahit le Béarn, le pays basque, les montagnes de la Navarre. Le Bigorre, l’Armagnac, furent bientôt également infectés. Du bassin de l’Adour, elle s’étendit dans l’Agenais et vers Toulouse par l’Isle-Gourdain d’un côté, et dans le Bordelais, le Médoc, la Saintonge, le Périgord de l’autre. Le Bas-Languedoc, le Quercy et l’Auvergne ne furent pas épargnés. Peu d’épizooties ont fait autant de ravages. Plusieurs hommes célèbres, Vicq-d’Azyr ot Bourgelat en France, Camper en Hollande, Haller