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voit l’eau bouillonner dans les plus petites flaques. Durant l’été, lorsque le champ est couvert de blés déjà mûrs, l’approche d’une seule allumette enflammée suffirait pour propager instantanément l’incendie dans toute l’étendue de la moisson. Enfin il n’est pas rare, dans le district de Porretta, qu’en s’approchant avec un corps allumé de certains endroits où l’on ne soupçonnait pas l’existence d’un dégagement de gaz combustible, on y voie des flammes surgir tout à coup ; ainsi il est arrivé qu’en creusant les tunnels du chemin de fer qui traverse les Apennins, des ouvriers ont été victimes d’explosions causées par des dégagemens subits de gaz inflammables mis en liberté par leur travail même.

Les fontaines ardentes sont aussi très répandues dans la contrée de Barigazzo. L’une d’elles, très renommée dans le pays, est située au milieu des prairies, à quelques centaines de mètres au-dessous du village de Barigazzo. Elle est connue sous le nom d’Orto del Inferno (jardin de l’enfer), dénomination qu’elle doit évidemment à la terreur inspirée par les flammes qu’on peut y développer en allumant le gaz combustible. Des myriades de bulles s’y dégagent de quelques petites mares d’eau stagnante, ainsi que du fond d’un ruisseau voisin. Dans la saison chaude, alors que l’eau du ruisseau est peu abondante, il arrive souvent que l’inflammation du gaz, excitée en un point, se propage rapidement tout le long du ruisseau et persiste pendant quelque temps.

Une fontaine ardente, non moins remarquable que celle de l’Orto del Inferno, se voit à une petite distance de Monte-Creto, village séparé de Barigazzo par un ravin large et profond couvert sur ses pentes de bois de châtaigniers séculaires. Spallanzani, qui visita ce lieu dans l’été de 1789, en parle dans les termes suivans : « À cinq milles de Barigazzo, à deux de Sestola, existe dans un champ ouvert et cultivé un feu qui n’est connu que des paysans. Le site s’appelle la Sponda del Gatto (margelle du chat). C’est un fossé dont le bord est percé de six petits trous : si l’on approche la main de ces trous, on sent un souffle léger ; si l’on approche l’oreille, on entend un sifflement. Une chandelle allumée y suscite des flammes. C’est ainsi que j’en fis naître successivement six, mais faibles, azurées et point du tout bruyantes. Sans doute ces trous communiquaient ensemble, puisque, deux étant bouchés, les quatre flammes restantes devinrent plus animées et perdirent une bonne partie de leur azur, qui se changea en rouge blanc ; elles durèrent environ une heure, et s’éteignirent d’elles-mêmes. Le bord du fossé qui leur donne issue est composé d’une terre argileuse humide ; certainement je ne l’eusse jamais découvert, si deux habitans du lieu ne m’y avaient conduit. C’étaient des maçons de profession ; ils me racontèrent