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et le gouvernement fut obligé de revenir sur sa mesure. Enfin tout récemment, M. Josseau apportait à la tribune du corps législatif un fait des plus concluans : 451 kilogrammes de viande avaient été vendus à la criée 451 francs ; si on y ajoute 52 francs pour l’octroi, 15 fr. 90 cent, pour le factage, on arrive à un total de 518 fr., soit environ à 1 fr. 20 cent, le kilogr. Cette viande aurait été revendue en détail par le boucher 1 fr. 90 cent, à 2 fr., avec une différence de 70 à 80 pour 100. Le droit d’octroi cependant n’était que de 10 pour 100. On se demande, en présence d’une différence aussi considérable entre la vente en gros et la vente au détail, ce qu’aurait fait la suppression de ce droit. Il est probable que, comme en 1848, elle eût profité exclusivement aux bouchers, et que la viande n’eût pas été moins chère pour le public. Toutes ces considérations ôtent beaucoup d’intérêt à l’agitation, plus factice que réelle, qui se produit autour des taxes de consommation ; au lieu de conclure en gros, comme on le fait, que, si une taxe rapporte 100 millions au trésor, elle les coûte au consommateur, et qu’elle grève d’autant les salaires et la richesse publique, on devrait entrer dans les détails, et savoir ce que vaut la marchandise au moment où la taxe est perçue : si elle vaut alors 2 milliards, l’impôt n’est plus que de 1 vingtième. Qu’est-ce que 1 vingtième pour influencer des prix, lorsque la moindre chose, un caprice de spéculation, une difficulté de transport, peuvent les faire varier dans une proportion beaucoup plus forte ?


II.

On a vu qu’un des motifs en faveur des taxes de consommation était leur équité ; avec l’impôt direct, on n’est jamais sûr d’atteindre le contribuable en raison de la fortune, en raison même de la valeur de la chose qui est imposée. Ainsi, en ce qui concerne la contribution foncière, il y a eu depuis l’établissement du cadastre des changemens considérables dans la valeur de la terre. Telle propriété qui est restée à peu près stationnaire paie encore le cinquième de son revenu, selon la base qui avait été fixée en 1791, tandis que telle autre qui a subi de grandes améliorations n’en paie plus que le dixième. L’impôt des patentes crée aussi parmi les contribuables des catégories qui ne répondent pas toujours à la réalité ; un industriel est trop taxé, un autre ne l’est pas assez pour les affaires qu’il fait. De même encore pour l’impôt mobilier. Y a-t-il rien de plus arbitraire que la répartition de cette taxe. Elle est censément établie sur le revenu, et on prend pour l’évaluer le loyer d’habitation ; c’est un indice des plus trompeurs. Il y a des gens fort riches qui n’ont