La guerre désastreuse que nous venons de subir nous laisse, au point de vue financier, des charges immenses. Il ne s’agit pas seulement des 5 milliards à payer aux Prussiens à bref délai, il faut songer encore à la liquidation de nos propres dépenses, qui ont été si énormes. Que d’emprunts contractés sous toutes les formes, que de réquisitions à solder ! que de familles à indemniser des dommages qu’elles ont eu à supporter ! que de routes, de chemins de fer à rétablir, de monumens à réparer ! Ce n’est certes point exagérer que d’évaluer à 3 milliards au moins les sommes qu’il y faudra consacrer. Le pays va donc se trouver en face d’une nouvelle dette de 8 milliards. L’histoire n’offre pas d’exemple d’un pareil accroissement de charges opéré en si peu de temps. Les Anglais ont commencé leur lutte contre le premier empire avec une dette de moins de 3 milliards. Après vingt ans de guerre, leur dette s’élevait à 20 milliards. Les Américains tout récemment ont dépensé 15 milliards en quatre ans, c’était prodigieux, et l’on ne supposait point qu’il fût possible d’aller au-delà. La France devait présenter un exemple plus extraordinaire encore ; en six mois, notre dette s’est accrue de plus de 8 milliards. L’esprit reste confondu en présence d’un pareil chiffre, qui est égal à quatre fois le budget annuel de la France, et, si on prend en considération l’état actuel de nos ressources après six mois de suspension de toute activité industrielle et commerciale, on peut supposer qu’il est supérieur à la totalité du revenu sur lequel il nous faudra vivre cette année. Jamais fardeau plus accablant n’était tombé sur un peuple. Cependant il ne servirait à rien de mesurer la profondeur de l’abîme pour y rester enseveli. Le devoir est de s’armer de résolution, de voir comment notre malheureux pays pourra se relever, et d’abord comment il pourra subvenir aux besoins les plus pressans.