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des montagnes. Des arbrisseaux du genre corylopsis, qui est très représenté dans la flore du Japon, remplacent les coudriers, de même qu’un groseillier à petites feuilles, atteignant la hauteur de 3 ou 4 mètres, remplace les petites espèces des vallées du Pe-tche-li. La pivoine à fleurs odorantes (Pæonia edulis) abonde dans les ravins et sur le bord des sentiers.

Tandis que le naturaliste fait sa récolte de plantes, les pèlerins affluent à la lamaserie, et une vieille princesse mongole tout habillée de drap rouge passe, chevauchant au milieu d’un groupe de mandarins. Elle salue d’un air plein de bienveillance ; mais les personnages formant le cortège rient de bon cœur en voyant l’accoutrement de l’Européen et du guide. Vers la fin du jour, notre explorateur se trouve dans une large vallée couverte de pâturages, et s’arrête près d’une misérable habitation, afin d’avoir de l’eau et des argols pour cuire le millet. Pendant que se prépare le repas, une vieille femme vient, selon la coutume du pays, offrir une cruche de lait. C’est un présent agréable pour des gens condamnés à vivre de bouillie cuite à l’eau ; mais c’est aussi une cause d’embarras : la convenance exige qu’on rende une valeur au moins égale à celle qu’on a reçue, et les sapèques n’ont pas cours dans l’Ourato, — les Mongols n’acceptent pas d’argent monnayé ; — la seule ressource est de donner quelques poignées de la petite provision de millet. Heureusement les lièvres et les bartavelles ne sont pas rares, la faim n’est pas à craindre. Il y a, il est vrai, d’autres souffrances à supporter ; pendant les derniers jours du mois de mai, la pluie, le vent et la neige se succèdent sans interruption. Le père Armand David ne continue pas moins sa récolte de plantes et d’animaux, et c’est avec un plaisir et extrême qu’il observe à l’état sauvage le xanthocère à feuille de sorbier, un charmant arbuste cultivé à Pékin comme plante d’ornement.

Après les instant de joie viennent les heures douloureuses. L’infatigable lazariste, très incertain sur la direction qu’il doit suivre, marche une journée entière sans rencontrer un seul homme. Le soir, dans une étroite vallée, il aperçoit des bestiaux s’abreuvant à un puits ; mais les pâtres fuient à l’approche de l’Européen. Il est obligé de camper dans la vallée déserte de Tchouktgirgol ; il gravit ensuite des montagnes escarpées, à peine couvertes de broussailles, et se trouve dans une région de collines arrondies dont le sommet est souvent formé de quartz très blanc : de loin, on croit voir des montagnes couvertes de neige. Notre voyageur est arrivé dans une plaine tout émaillée d’iris bleues ou violettes, de scrofulaires, de sophoras, d’astragales roses, de caragnas. La matinée est belle et semble promettre une journée charmante ; tout à coup le ciel est obscurci par des nuages de poussière, le vent d’est, précurseur de pluie et d’orage, commencera s’élever,