tiède. On s’engage dans les rues de Pékin en accélérant le pas, car il faut atteindre avant la nuit l’endroit où l’on trouvera un gîte ; les étapes sont déterminées par l’usage, et en Chine chacun est obligé de se soumettre aux règles établies. Au reste, c’est plaisir devoir cheminer les mules sans qu’on ait la peine de les stimuler. Chez ce peuple, dont les défauts et les vices ont été l’objet de tant de critiques amères, on est rempli d’humanité envers les animaux. Anes, chevaux, mulets, bœufs, ne sont pas dressés, mais vraiment apprivoisés ; ils montrent une douceur et une docilité qui étonnent les étrangers. Entre les mains d’un Chinois, les oiseaux les plus sauvages, les plus timides deviennent familiers dans l’espace de quelques jours. À chaque pas, dans les rues de Pékin, on rencontre des gens ayant au poing des faucons, des aigles, des moineaux et des fauvettes ; on voit des faisans qu’on lance dans l’air au milieu de la foule, et qui reviennent sur la main ou sur l’épaule de leur maître.
Notre petite caravane a plus d’une lieue à parcourir pour sortir de la ville par la porte du nord ; elle traverse le faubourg, qu’un Européen ne peut voir sans éprouver une sorte de dégoût et sans être frappé de la singularité du spectacle. Une multitude de petits marchands étalent confusément des objets utiles aux voyageurs ; une foule de mendians presque nus, au regard cynique, assiègent les passans. On aurait tort, paraît-il, de s’apitoyer à l’excès. Ces mendians, avilis par la paresse et par tous les vices, succombent rarement à la misère ; ils exercent une profession, et personne ne voudrait affirmer que cela se voit seulement en Chine. À Pékin, comme à Londres, il y a pour la nuit des refuges ouverts aux misérables, — des chambres garnies d’amas de plumes de poules, — des endroits où l’on débite des alimens à très bas prix, des distributions gratuites faites par l’état et les familles riches. Les pauvres forment une association qui a des lois, des chefs, une hiérarchie, et qui rappelle la cour des miracles pendant le moyen âge. À l’occasion, tous ces gueux se louent pour quelque service. Aux mariages et aux funérailles, ils tiennent les écriteaux et les enseignes, dont il est fait grand usage dans les cérémonies. Revêtus d’un costume de circonstance, ils vont remettre les cadeaux de noce ; quand, selon la formule chinoise, la fiancée doit passer la porte, ils exécutent la musique sur le parcours du cortège, ou ils marchent avec les écriteaux près de la litière rouge dans laquelle reste cachée la jeune fille allant de la maison maternelle à la demeure de l’époux. La représentation peut être simple ou magnifique ; jamais on n’apercevra la nouvelle mariée, que l’époux lui-même n’a pas encore vue. Seulement on vous dira que le jeune visage est couvert d’une couche de peinture où le blanc, le rose et le noir sont associés de façon à satisfaire le goût le plus raffiné.