Fourcaud, maire, dans une séance qui se tint à l’hôtel de ville le 19 décembre, le conseil municipal de Bordeaux adoptait à l’unanimité une proposition d’adresse au gouvernement. « L’action du gouvernement, y disait-on, n’est pas assez secondée ; elle est amoindrie par les conditions où elle est effectuée : à la ville, à la campagne, dans la presse, dans les administrations, les bonapartistes, les réactionnaires de tous les partis répandent de fausses nouvelles et des calomnies… C’est là une preuve, ajoutée à celle de tous les temps, que les partis sont des ennemis irréconciliables, et que l’espérance de les amener à une entente sincère, dans un but d’intérêt général, est une illusion à laquelle il est urgent de renoncer. Les bonapartistes, les auteurs et les complices du 2 décembre, des trahisons de Sedan, de Metz, de l’inertie calculée qui paralyse la défense nationale, sont des criminels ; il n’y a pas de lois sans une sanction, il n’y a point de sociétés sans lois, sans gouvernement. Le gouvernement, qui a la mission extraordinaire et suprême de repousser l’invasion, qui se laisse calomnier, déconsidérer, affaiblir, qui accorde la liberté aux criminels, crée l’anarchie… Les réactionnaires de tous les partis sont les complices des Prussiens, La France ne peut être sauvée que par la république, que par des moyens extraordinaires ; il faut que les résolutions du gouvernement soient à la hauteur de la situation : il connaît sans doute les moyens devenus indispensables et urgens pour faire cesser les défaillances, les félonies. Le temps des demi-mesures est passé, l’heure des grandes révolutions a sonné, il faut que tout ce qui fait obstacle à la Défense nationale soit mis à l’écart. Le conseil municipal de Bordeaux adjure le gouvernement de prendre les mesures les plus énergiques, les plus efficaces, pour faire disparaître les causes de nos revers et assurer le triomphe de nos armées. » Telle est la résolution qui fut votée « à l’unanimité » par le conseil municipal de Bordeaux. Des bataillons entiers de gardes nationaux adhérèrent à cette adresse, officiers et soldats. Le gouvernement n’était que trop porté à céder à ces suggestions. M. Crémieux se rendit le 23 décembre au sein de la municipalité pour la remercier, et aussi, du moins en apparence, pour la contenir. « Il y a deux jours vous nous avez apporté, dit-il, l’expression des vœux du conseil. Comprenant que la république doit être juste, généreuse même, mais que cette générosité ne peut aller sans danger jusqu’à l’abandon et à la faiblesse, vous demandez que nous frappions avec la loi ces hommes incorrigibles qui se réjouissent des désastres de la France… Que voulez-vous ? au moment de frapper, la main de la jeune république tremble. Pour tout dire, Paris héroïque qui renferme le gouvernement dont nous ne sommes qu’une délégation, Paris, tout entier à la défense, ne comprend pas cet autre danger, et dit : Chas-
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