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arrivés à Tours à la veille de l’investissement de Paris, entre autres M. le vice-amiral Fourichon, qui prit et déposa en peu de semaines le portefeuille de la guerre, et M. le comte Chaudordy, qui dirigea par intérim les affaires étrangères. Quoique peu connus aussi du public, ils eurent bientôt gagné non-seulement la sympathie, mais la confiance générale. Ce n’est pas qu’on se fît illusion sur le rôle qui leur était réservé. Chacun savait qu’ils n’auraient qu’une influence secondaire, limitée à leur ministère particulier ; mais dans cette sphère bornée ils surent mériter l’estime. M. Fourichon eut le courage de s’opposer quelque temps à la dictature de M. Crémieux. Il représenta longtemps les idées d’ordre et d’organisation, puis tout à coup, par un mystère encore inexpliqué, il sembla prendre à tâche de dérouter l’opinion publique en acquiesçant aux actes les plus violens de la délégation de Bordeaux. M. Chaudordy eut le mérite de tenir avec fermeté le poste difficile qui lui était confié. Après les généraux d’Aurelle, Faidherbe et Chanzy, M. Chaudordy est un des hommes en petit nombre que la crise actuelle aura mis en évidence au milieu de cette disette de talens spéciaux qui afflige notre pays.

Le gouvernement du 4 septembre s’était empressé de congédier tous les préfets, dont beaucoup eussent dû rester à leur poste, dans l’intérêt de la bonne administration et du salut national. M. Gambetta, alors ministre de l’intérieur, ne s’était pas certainement livré à un long travail pour arrêter la liste des nouveaux préfets. Tous les noms démocratiques, même démagogiques, qui avaient atteint dans le barreau ou la presse une notoriété quelconque, si faible qu’elle fût, semblent avoir été tirés au hasard, et répartis sans ordre et sans soin dans les quatre-vingt-neuf département de la France. Quelle qu’ait été la singulière méthode qui ait présidé à cette opération, l’on peut cependant diviser en deux catégories distinctes les préfets du 4 septembre. Les uns étaient d’anciens candidats de l’opposition, auxquels on confiait le soin d’administrer les départemens où ils avaient soutenu la lutte électorale. C’était en elle-même une idée assez fausse que de confier l’administration des départemens à des candidats malheureux, généralement avancés, parfois exaltés, qui avaient des rancunes personnelles et des engagemens avec les partis locaux. Les autres, plus nombreux, avaient une origine différente : c’étaient presque tous des avocats ou des journalistes parisiens. L’on ne pourrait dire, sauf quelques exceptions, que ce fût la fleur du palais ou de la presse ; la plupart étaient profondément inconnus, même des hommes qui suivent avec le plus d’attention le mouvement politique et littéraire. Telle était l’étrange situation que la révolution de septembre avait faite à la province. Les meilleurs et les plus corrects de ces fonctionnaires n’avaient en