Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 92.djvu/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

recommença le 3 décembre avec acharnement : le général de Sonis, commandant le 17e corps, avait été blessé et fait prisonnier ; les zouaves pontificaux se firent hacher, plus de la moitié de leur effectif fut anéanti. Charette, qui les commandait, fut blessé et passa pour mort. Le résultat de cette terrible lutte de trois jours fut notre défaite. Un mouvement stratégique de l’ennemi conduit avec ensemble porta le dernier coup à notre armée. Dans la journée du 4 décembre, toutes les forces allemandes convergèrent sur Orléans : le grand-duc de Mecklembourg au nord-ouest, du côté de Patay, Frédéric-Charles par Artenay, Chevilly, Bellegarde, au nord-ouest et à l’est. Nos jeunes troupes, fatiguées de tant de combats, démoralisées par les échecs des derniers jours, poursuivies avec vigueur, furent rejetées dans Orléans. La gare et le faubourg Saint-Jean furent bombardés et pris. Pour éviter à la ville de plus grands malheurs et à notre armée un nouveau Sedan, nos troupes l’évacuèrent le 4 à minuit, se retirant en partie sur la rive gauche de la Loire, en partie à quelque distance et sur de bonnes positions sur la rive droite. Les forces que nous avions eu à combattre devaient monter à 150,000 hommes environ ; les nôtres étaient à peu près égales. M. Gambetta, qui fit à cette époque une proclamation désordonnée où il prenait le public pour juge entre le général de Paladines et lui, prétendait, il est vrai, que nous avions 200,000 hommes et 500 canons. Ces chiffres sont exagérés. L’ennemi assura nous avoir pris 70 canons ; mais presque tous étaient des pièces de marine de gros calibre, en position devant Orléans, et qui furent enclouées. Notre matériel de campagne ne fut guère entamé.

Les événemens d’Orléans, coïncidant avec la rentrée dans Paris des forces qui en étaient sorties le 30 novembre, semblèrent rendre définitive la défaite de la France. Ils étaient en outre accompagnés d’autres désastres survenus dans le nord. L’armée du général Manteuffel avait fait des démonstrations sur Cambrai et sur Péronne, puis s’était rabattue sur Amiens. Plusieurs combats furent livrés à Boves, à Villers-Bretonneux, à Dury et dans d’autres localités jusque sous les murs d’Amiens. L’ennemi souffrit considérablement de la portée de nos fusils Remington. Après deux jours de lutte, l’énorme supériorité de l’artillerie prussienne triompha ; le 28, Amiens était occupé. Suivant les instructions qui lui avaient été données pour couvrir l’armée d’investissement de Paris, Manteuffel descendit immédiatement d’Amiens sur la Haute-Normandie, prêt à se précipiter sur notre armée de la Loire, si elle eût réussi à déborder le grand-duc de Mecklembourg. Le général Briand, qui commandait à Rouen, venait de prendre l’offensive : il s’était porté dans le bourg d’Etrepagny, où il avait surpris et fait prisonniers quelques centaines de cavaliers prussiens, puis il s’était replié sur Rouen. Le