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gaisons d’armes ; les fusils par centaines de mille, les cartouches par millions, les batteries de canons, ont franchi l’Atlantique. Le marché anglais était trop timide, trop occupé par les commandes de l’Angleterre, surtout trop exposé à l’influence de la Prusse, pour nous être d’un grand secours. Quant aux autres états neutres, l’Italie, l’Autriche même, ils se montrèrent singulièrement serviles envers l’Allemagne, et firent saisir un grand nombre de caisses qui nous étaient destinées ; mais les États-Unis nous fournirent ces fusils Remington, les meilleurs qui soient au monde. Malheureusement il fallait beaucoup de temps pour la fabrication et le transport de ces commandes gigantesques. Les délais furent encore aggravés par la confusion qui présidait à la distribution des armes. L’on vit des bataillons en résidence dans des provinces éloignées parader avec des remingtons et des chassepots pendant que d’autres, qui étaient au feu depuis longtemps, n’avaient que des fusils à piston. Pour bien apprécier les conditions de la lutte et la conduite de la province, il faut savoir que les mobiles attaqués à Dreux au mois de novembre par le grand-duc de Mecklembourg, qu’une notable partie des troupes qui participèrent à la belle retraite de Chanzy d’Orléans au Mans, que les mobiles de l’Aveyron dans le combat acharné de Nuits, que les mobiles d’Indre-et-Loire dans les rencontres de Monnaie et de Notre-Dame-d’Oé, étaient armés seulement de fusils à piston.

II.

À peine arrivés sous Paris, les Allemands détachèrent de tous côtés des colonnes volantes. Ils avaient un double but : fourrager, lever des contributions, jeter le désarroi parmi les habitans, et surtout s’assurer de l’état des forces dont ils supposaient l’existence ou la préparation. Ils s’avançaient parallèlement sur toutes les routes principales, s’emparaient des positions importantes les plus rapprochées de Paris. La direction régulière de notre système de viabilité, qui prend la capitale pour centre et rayonne de ce point jusqu’aux extrémités de la France, facilitait merveilleusement cette expansion progressive et géométrique de l’invasion prussienne. Dès le 23 septembre, tout le département de Seine-et-Oise, à l’exception de Mantes, encore occupé par les éclaireurs Mocquart, se trouvait aux mains des Prussiens. Rambouillet, Saint-Arnould, Dourdan, Etampes, étaient les localités où ils apparaissaient en plus grand nombre. Les premières étapes de l’invasion n’avaient rencontré que peu d’obstacles et une très faible résistance. Le bruit courut qu’un certain nombre de combats heureux avaient été livrés par les nôtres à Montlhéry, à Longjumeau, à Lieusaint et Athis-