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aux grands, le roi de France, ministre de Dieu, champion de la foi catholique, défenseur de la loi divine, malgré les conseils de personnes qui voulaient lui persuader de frapper de sa propre autorité les templiers, le roi de France, fils soumis, a requis trois fois le pape de permettre aux prélats du royaume de procéder contre lesdits templiers, et de rendre aux inquisiteurs les pouvoirs qu’il leur avait enlevés. Le pape n’a pas fait de réponse à ces demandes, ce qui l’a fait soupçonner de favoriser les templiers, ainsi que le font publiquement plusieurs personnes de sa cour. Ces délais sont coupables, et pourraient attirer de grands malheurs. Le pape n’écoute pas les cris de l’église de France menacée par l’hérésie. Que le pape n’oublie pas l’exemple du grand-prêtre Héli, qui se rompit le cou en tombant de sa chaire, et celui du pape Anastase. « Anastase était un bon pape ; mais il cherchait en secret à faire rappeler Acace, que lui-même avait condamné. Il ne partageait pas autrement ses erreurs ; mais, comme il procédait avec tiédeur, et qu’il n’avait pas pour la cause de Dieu le zèle qu’il devait, il fut frappé par le Seigneur et auparavant chassé par le clergé comme fauteur de l’hérétique[1]. » Le même fait est allégué presque dans les mêmes termes et à plusieurs reprises par Guillaume de Nogaret.

IX. — Nouvelle requête du peuple au roi pour réclamer l’abolition de l’ordre des templiers. Cette pièce est en latin[2]. M. de Wailly a prouvé d’une façon qui approche de la certitude qu’elle est de Du Bois. M. Boutaric l’a intégralement publiée, Notices et extraits, t. XX, 2e partie, p. 380-181. Le peuple, en cette prétendue supplique, déclare qu’on ne peut empêcher le roi de punir les templiers, sous prétexte que le pape a seul le droit de juger les hérétiques. En effet, ce nom d’hérétiques s’applique uniquement à ceux qui, professant la foi catholique, ne s’en séparent que sur un ou plusieurs articles, comme font les Grecs et le pentarque d’Orient avec les neuf cents évêques et les peuples qui lui sont soumis. Les templiers au contraire sont des apostats placés en dehors de l’église, et saint Paul déclare qu’il n’a point à s’occuper de pareilles gens. Les templiers d’ailleurs sont des homicides, et la punition de l’homicide appartient au roi. On sent qu’à mesure que l’autorité ecclésiastique élevait une exception pour sauver ces mal-

  1. Du Bois exagère fort l’appui qu’Anastase II aurait prêté à l’hérésie : Acace était mort huit ans avant l’avènement d’Anastase II ; il s’agissait seulement de sa mémoire. On ne sait où Du Bois a vu qu’Anastase II fut déposé et fit une mauvaise fin.
  2. Elle a été connue de Raynouard, qui en a publié un fragment d’après le n° 77 du fonds de Brienne, dans ses Monumens historiques relatifs à la condamnation des chevaliers du Temple (Paris 1813), p. 41-42 (cf. p. 307). Elle a été citée par Dupuy dans son Histoire de la condamnation des templiers, t. I (nouvelle édition), p. 118, et par M. Rathery dans son Histoire des états-généraux de France, p. 59 et 60.