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physiques et les multiples manifestations de la vie, c’est avoir la faculté d’apprécier les ressources et les conditions d’existence des peuples, comme le moyen de s’élever aux comparaisons les plus instructives pour l’histoire de l’humanité et pour la philosophie ; mais le tableau n’est pas encore achevé, et, jusque dans ces dernières années, une immense région de l’Asie était restée presque entièrement inconnue sous le rapport des productions naturelles. Pour les savans, de même que pour le vulgaire, la Chine était restée le pays du thé, des mûriers, du ver à soie, du faisan doré, et l’horizon ne s’étendait pas beaucoup plus loin. Les plantes et les animaux, choisis parmi les plus communs ou les plus brillans et répandus depuis longtemps en Europe par les voyageurs qui se rendent à Canton, provenant d’une seule province méridionale, toute lumière avait disparu quand nous portions le regard vers le nord ou vers l’intérieur du vaste empire.

Autrefois les missionnaires de la célèbre compagnie de Jésus, parfaitement accueillis en Chine, avaient habité la capitale et parcouru les provinces ; pourtant c’est à peine s’ils ont fait quelques remarques sur la nature des contrées où ils ont séjourné. Les jésuites les plus instruits, attirés à la cour, installés dans le palais impérial, chargés de dresser des cartes ou d’exécuter quelque travail relatif à l’astronomie, songeaient avant tout à gagner la faveur du souverain et à connaître la nation qu’ils voulaient convertir à la foi chrétienne. Ils ont appris à l’Europe une infinité de détails sur l’état de la civilisation, sur la forme du gouvernement, sur les coutumes et l’industrie des Chinois ; mais ils ont négligé d’étudier le pays sur lequel vit le peuple dont ils ont vanté le caractère et les mœurs au-delà de toute expression. Lui-même, l’auteur de l’intéressante Description de l’empire de la Chine et de la Tartarie chinoise, le père Du Halde, se contente de nous renseigner sur l’agriculture et sur certaines pratiques industrielles des Chinois.

À la suite de désordres survenus dans la province de Fou-Kien en 1723, les missionnaires, à l’exception de ceux qui résidaient à Pékin, reçurent l’ordre de se retirer à Macao ; la défiance était alors au comble envers les étrangers, et la Chine, rendue inaccessible dans le temps où se multiplièrent les voyages d’exploration, devait jusqu’à nos jours demeurer une terre presque inconnue pour l’Europe.

Les premiers renseignemens exacts sur la végétation et sur les animaux de la province de Quang-Tong nous sont parvenus au milieu du siècle dernier. Un navire de la compagnie suédoise des Indes orientales arriva en 1751 à Canton, et, par une heureuse circonstance, se trouvait sur ce navire un chapelain, Peter Osbeck, qui était un élève de Linné. Osbeck parcourut les environs de la