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voyages scientifiques s’accomplirent, et bientôt on eut entre les mains des moyens de comparaison du plus haut intérêt. Le jour où l’histoire naturelle s’est trouvée en possession de méthodes rigoureuses, il a été plus facile d’entrevoir ce que l’exploration des différentes parties du monde pourrait procurer de connaissances précieuses pour des peuples civilisés. Avec l’accroissement du savoir, l’importance des découvertes étant mieux comprise, la tentation de traverser les mers, afin d’étudier la nature sur les terres lointaines, s’empara souvent des hommes instruits. Les résultats obtenus par les investigateurs furent considérables, et, dès le début de notre siècle, il était possible de mettre dans une saisissante opposition les principaux caractères de la flore et de la faune de beaucoup de régions du globe.

À ce moment même, un souffle puissant animait l’esprit de recherche. On méditait chaque jour davantage sur la distribution géographique des plantes et des animaux. Alexandre de Humboldt parcourait l’Amérique, et observait sur les montagnes les zones que dessinent les espèces végétales. Le célèbre voyageur, s’appliquant à reconnaître les lois des climats, à rapporter à des moyennes les températures des divers lieux, traçait les lignes qui expriment l’égalité dans la somme de chaleur, ce qu’on appelle les lignes isothermes. La relation entre le climat et l’existence d’une infinité de végétaux, d’un grand nombre d’animaux, étant plus ou moins manifeste, on avait désormais un nouvel élément pour apprécier les particularités de la distribution de la vie à la surface du globe. Plus la science a grandi, plus les efforts ont été considérables pour sortir de l’ignorance à l’égard des pays qui restaient inexplorés. Maintenant la géographie, comme on l’entendait autrefois, a bien peu de valeur. Si l’attention se porte sur une contrée, il s’agit non pas seulement de considérer la place qu’elle occupe dans le monde, d’apprendre le chiffre de la population des villes, mais de voir la région sous tous les aspects. Les résultats acquis par les investigations modernes sont vraiment admirables : en jetant les yeux sur une carte, l’homme quelque peu familiarisé avec les études scientifiques peut, dans la plupart des circonstances, se former l’image exacte de la physionomie d’une contrée. En rapprochant des notions encore trop souvent éparses, il aura l’impression juste du climat, il verra les détails de la configuration du sol, les diverses sortes de végétaux couvrant la terre, disséminées ou réunies en masses épaisses sur de grands espaces, les insectes grimpant sur les plantes ou voltigeant sur les fleurs, les oiseaux animant le paysage, les mammifères errant au milieu des forêts ou courant à travers la campagne, les poissons s’agitant dans les eaux. Posséder ainsi le tableau de toutes les parties du monde avec les caractères