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à faire : restitution des indemnités payées par les compagnies et des primes payées par les assurés. En l’un comme en l’autre cas, il faudrait revenir sur des contrats déjà anciens et liquidés par un commun accord des parties, opération qui serait mauvaise partout et qui le serait plus encore chez une nation essentiellement commerçante. Qu’en conclure, si ce n’est que l’argent anglais doit tomber dans la caisse de l’Union ? S’il en est ainsi, l’affaire devient facile à arranger. On nous cite un précédent dont nous ne pouvons, dans les circonstances actuelles, vérifier l’exactitude. Vers la fin du xviiie siècle, le commerce américain avait à faire valoir des réclamations de même nature contre des corsaires français. Les traités de 1800 et de 1803 mirent fin au litige, non par le paiement d’une indemnité pécuniaire, mais par l’abandon de la Louisiane aux États-Unis. Les Américains ont donc suggéré que l’affaire s’arrangerait facilement par la cession de la Jamaïque, des Bermudes et de l’archipel des Bahama. Puis, sans s’inquiéter davantage de ces îles isolées dont ils se soucient médiocrement, ils ont avoué qu’il leur faut en guise de compensation toutes les possessions anglaises de l’Amérique du Nord, y compris le Canada.

Ce n’est pas là, convenons-en bien vite, la politique officielle du cabinet de l’Union. Tout au plus s’est-il permis de faire entendre, par l’organe de son ambassadeur à Londres, qu’une cession de territoire mettrait fin au conflit. Cette ouverture n’ayant pas été accueillie, il n’a point insisté ; mais en Amérique plus qu’en aucun autre pays l’utopie de la veille peut devenir le lendemain une réalité. Il suffit que le projet soit pris en main par un de ces hommes d’état aventureux comme on en rencontre beaucoup au-delà de l’Atlantique. Il y a là-bas un certain général Butler qui est un de ces hommes. Officier équivoque, car il a été révoqué par le général Grant pendant la guerre de sécession, mauvais administrateur, orateur violent, le général Butler a laissé de fâcheux souvenirs partout où il est passé, s’il faut en croire les journaux anglais, qui sont, il est vrai, empreints de partialité à son sujet. Il est doué d’un talent particulier qui le fait surnager malgré tous ces défauts ; il s entend à merveille à manier les électeurs. Il a été élu membre de la chambre des représentans, non point par l’un des nouveaux états de l’ouest, ouvert à tous les intrigans, mais par le Massachusetts, l’un des états les plus éclairés de l’Union. Du reste il est sans vergogne, comme on va voir. Au mois de décembre dernier, il fait un discours à ses constituans à Boston, la capitale intellectuelle de l’Amérique du Nord, où, suivant toute apparence, la loi et la morale ont plus de partisans que partout ailleurs. Et que leur dit-il ? — Le parti républicain, qui est actuellement au pouvoir, se dissout (M. Butler est républicain en ce moment) ; les démocrates reprennent faveur et menacent de