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célèbres ; mais on dira de moi : Elle a beaucoup souffert avec patience, elle a donné le jour à des fils dignes d’assurer au pays des jours meilleurs. » Le cachet qu’elle s’était fait graver portait ces quatre mots : justice, amour, foi, vérité. Le malheur, l’exil, la pauvreté, les avaient aussi gravés dans son âme, et ce n’est pas au bal de Francfort, aux fêtes de Berlin, à la cour et dans la splendeur, c’est dans la petite maison de Memel ou dans le modeste Hufen que la reine Louise fut grande, vraiment reine, et qu’elle prit à jamais possession du cœur de ses sujets. Deux dates marquent la fin de cette vie agitée. Elle était entrée à Berlin, comme fiancée, le 23 décembre 1793, et elle y rentra comme reine le 23 décembre 1809 ; elle y fut reçue par son père, elle revit Potsdam, Charlottenbourg, Paretz, puis elle voulut revoir le palais où elle était née, aller passer quelques semaines dans le duché de Mecklembourg. Elle y tomba malade à Hohenzieritz, et mourut le 9 juillet 1810, entourée de ses enfans, de son mari, de ses sœurs. Le 23 décembre 1810, le prince Charles accompagnait les restes mortels de sa mère au mausolée de Charlottenbourg. La reine Louise n’avait que trente-quatre ans. Elle mourait sans avoir vu la cinquième coalition, la campagne de Russie, la coalition de toute l’Europe, Fontainebleau, Waterloo.


III.

On ne s’attend pas à trouver ici le récit de l’entrée des Prussiens dans Paris en 1815, des indignités qu’ils y commirent, et dont le duc de Wellington rougissait. Encore moins ferons-nous le récit de l’invasion de 1870. Ce sont là des dates néfastes que le Français voudrait effacer de son histoire ? mais du moins la triste philosophie des représailles explique la première invasion, 1814 est la rançon de 1806, Waterloo compense Iéna, et l’on comprend cette réponse d’un officier de Blücher à lord James Hay, qui essayait d’intervenir entre des soldats prussiens et des gendarmes français se battant dans le jardin du Palais-Royal : « Nous avons fait vœu de rendre aux Français ce qu’ils ont fait aux Prussiens. »

Mais rien ne peut expliquer ni excuser les abus de la force commis en France par la Prusse en 1870. Oubliant tous les services que lui a rendus le second empire, brisant de ses mains cette belle tentative d’équilibre européen qui a donné plus de trente ans de paix au monde, pleine de mépris pour les maximes de morale entre nations qui tendaient à faire entrer la justice dans les rapports politiques, détruisant à plaisir les richesses et les travaux, patrimoine commun des hommes, la Prusse abuse savamment de sa force, sans aucun profit pour la civilisation humaine. Cette guerre, dans ses causes, ses procédés, ses suites, n’aura été qu’une