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se sont hâtés de détruire l’ancienne organisation de la justice royale, et n’ont pas pris le temps de chercher ce qu’il fallait mettre à la place. Le consulat est venu, et il a établi un système judiciaire qui était beaucoup plus monarchique que celui de l’ancien régime. Ce qui est singulier, c’est que la génération des hommes de cette époque ait assisté à cette transformation de la justice par le premier consul avec une indifférence parfaite ; elle paraît ou ne l’avoir pas comprise ou ne s’en être pas souciée. Ensuite sont venus d’autres régimes politiques, trois sortes de monarchie et une république, et aucun de ces gouvernemens n’a songé à toucher à l’organisation judiciaire qui avait convenu au consulat.

Cette indifférence à l’égard de choses si graves est l’une des fautes les plus déplorables des générations d’hommes qui se sont succédé dans la vie politique depuis quatre-vingts ans. Il ne serait pas difficile de montrer que notre instabilité, nos révolutions, nos souffrances, sont en grande partie venues de là. L’imperfection de la justice pendant la première république a produit d’abord la terreur, puis la faiblesse du directoire, enfin la chute du régime républicain. Cette même imperfection de la justice a été l’une des causes de l’impopularité du gouvernement de la restauration, et a certainement contribué dans une assez forte mesure à faire tomber le second empire. La France doit se préoccuper d’un problème dont la solution importe si fort à la stabilité de toute espèce de gouvernement.

Nous ne saurions avoir la prétention de résoudre un si grand problème ; mais il nous a semblé que l’étude de l’histoire devait servir à quelque chose. L’histoire ne dira sans doute pas ce qu’il y faut faire, mais elle aidera peut-être à le trouver. Si elle ne nous indique pas clairement ce qui serait bien, elle nous signalera du moins ce qui pourrait être funeste, et nous mettra en garde contre les écueils. Nous pouvons apprendre par l’expérience des générations passées quels sont les divers systèmes judiciaires qui ont été essayés, comment et dans quelles conditions ils ont fonctionné, enfin ce qu’il y avait de bon et de mauvais dans chacun de ces systèmes.


I. — la justice démocratique. — athènes.

De toutes les cités grecques, Athènes a été la moins troublée, la mieux gouvernée, la plus intelligente et en même temps la plus prospère. Quels qu’aient été ses défauts et ses fautes, on doit reconnaître que, parmi les républiques anciennes, c’est elle qui a le moins mal pratiqué la démocratie. En faisant d’elle cet éloge, nous