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En somme, des Finnois et des Slaves plus ou moins purs, plus ou moins mélangés, tels ont été jusqu’au milieu du xiie siècle les seuls élémens ethnologiques dans toute la région comprise de l’Esthonie au Mecklembourg. La race slave dominait sans doute, et c’est à elle que se rattachait la très grande majorité de la sauvage aristocratie qui régissait ces tribus. Tout au plus peut-être quelques Goths, quelques Vandales restés en arrière et acceptant le joug des Slaves, peuvent-ils avoir mêlé leur sang à celui de ces derniers. Quant à l’élément germanique, il n’accuse sa présence par aucun signe appréciable, et l’histoire est absolument muette à son égard.

Le commerce et la religion, telle qu’on l’entendait alors, vinrent modifier cet état de choses. En 1158, un bâtiment brêmois, frété pour l’île de Gothland, fut poussé par les vents jusque vers l’embouchure de la Dwina. Les marchands qui le montaient trouvèrent sur cette côte des peuples à peu près sauvages tout disposés à échanger de riches fourrures pour du sel, des toiles communes et d’autres objets en rapport avec les besoins d’une société dans l’enfance. Les Hanséatiques accoururent et se partagèrent les bénéfices d’un commerce analogue à celui qui se pratique de nos jours avec les Peaux-Rouges, dans l’Amérique du Nord. Comme nous le faisons encore, ils envoyèrent des agens qui s’établirent sur les points les plus favorables, et qui, pour protéger les personnes et les marchandises contre l’agression des indigènes ou des pirates danois, élevèrent des forteresses. C’est ce que nous appelons aujourd’hui des comptoirs. La race germanique prit ainsi pied sur les terres des Slaves. Toutefois elle ne se serait guère éloignée des côtes, si elle avait obéi uniquement à l’impulsion née des intérêts commerciaux. Un mobile plus puissant ne tarda pas à la conduire jusque dans l’intérieur du pays.

Dès l’an 997, saint Adalbert, archevêque de Prague, essaya d’introduire le christianisme chez les Pruczi ou Prutzi, population que l’histoire mentionne pour la première fois vers cette époque, qui occupait à peu près la Prusse orientale actuelle, et dont les nombreuses tribus semblent avoir été reliées entre elles par une organisation sacerdotale commune. Toujours est-il que ces Prussiens primitifs étaient fort attachés à leurs croyances. Adalbert, ayant pénétré sur le territoire sacré d’un sanctuaire appelé Romov ou Romowe, fut massacré comme sacrilège. Un siècle environ s’écoula sans autre tentative de conversion. En 1106, un moine nommé Maynard se joignit à des marchands, et reprit l’œuvre interrompue, mais en s’adressant aux Lives de la Livonie. Menacé à son tour, il fit construire plusieurs forts dont il fallut faire venir par mer tous les matériaux. Le titre d’évêque d’Yaküll récompensa ce zèle actif