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bien nourris, et dont les femmes sont souvent presque naines, ne seront jamais des Slaves pour l’anthropologiste. Ce sont évidemment les frères des Esthoniens, Finnois plus grands et plus robustes, avec lesquels d’ailleurs ils se fondent insensiblement. Ici la linguistique prise pour guide unique a conduit à une erreur sur laquelle j’insisterai plus loin.

Je sais que j’aborde un terrain délicat, que je touche à une question obscurcie par une de ces erreurs que je signalais tout à l’heure, par des préventions que je voudrais combattre. À la suite de luttes politiques et sous l’empire de sentimens dignes de la plus sérieuse sympathie, mais qui les ont égarés, d’excellens esprits ont admis l’existence d’un antagonisme radical entre les races aryennes et finnoises. L’Iran et le Touran, disent-ils, ont constamment été en lutte ; ils ne sauraient habiter en paix le même sol, encore moins s’unir et se fondre. L’anthropologie, cette science qui, née d’hier, a grandi si rapidement, ne confirme en rien ces doctrines absolues. Bien au contraire, elle nous montre la plupart des populations européennes, toutes peut-être, comme ayant reçu à des degrés divers une part de sang allophyle, souvent de véritable sang finnois. Il n’est pas difficile de reconnaître la présence de cet élément ethnologique en France et jusque dans la capitale. Le fait est bien plus évident encore sur certains points de notre territoire, dans la Basse-Bretagne méridionale par exemple, où j’ai pu le constater par moi-même. Rapprochons ces faits qui nous touchent de ceux que présentent les bords de la Baltique, le bassin de la Vistule, et, sans recourir à des migrations dont l’histoire aurait perdu toute trace, nous expliquerons aisément un fait signalé par M. Duchinski. « Les caractères distinctifs des Armoriques tracés par César ont, dit cet auteur, des analogies avec ceux des Lithuaniens. Les Polonais qui ont séjourné en Bretagne s’accordent à trouver une foule de points de ressemblance entre les Bretons actuels et leurs compatriotes, surtout ceux qui avoisinent la Lithuanie. » C’est que le mélange du sang finnois et du sang aryen s’est opéré dans les deux contrées. Seulement, dans le bassin de la Baltique, c’est au Slave que s’est unie la race allophyle ; c’est avec le cette qu’elle s’est croisée chez nous. Nous n’avons pas à rougir des résultats du mélange. Quelque malheureux que nous soyons en ce moment, l’ennemi ne raiera le nom français d’aucune page de l’histoire, et certes les enfans de notre vieille Armorique ont assez fait leurs preuves en tout genre pour qu’on puisse accepter sans répugnance une certaine communauté d’ancêtres avec eux.

Ces faits étaient du reste bien embarras sans naguère. Ils s’expliquent aujourd’hui, grâce aux recherches toutes récentes de l’ar-