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et contre le roi, et c’était, disait-on, dans la crainte d’encourir une correction pour les déréglemens auxquels la voix publique l’accusait de s’être livrée avec un prêtre. »

Armée de l’excommunication, l’église pouvait tenir en échec toutes les tentatives de réforme. L’avocat de Coutances ne dit pas en propres termes qu’il faut braver les anathèmes ecclésiastiques, mais c’est bien là le fond de sa pensée. Il montre avec beaucoup de logique que, si la puissance royale devait s’arrêter devant l’excommunication, elle aurait un supérieur sur la terre, ce qui n’est pas. Le roi d’Angleterre, dont la souveraineté n’est pas aussi indépendante du pape que celle du roi de France, emprisonne fréquemment ses prélats. Le roi de France ne sera maître chez lui que quand il établira une pénalité sévère contre toute atteinte portée à sa juridiction. Cette pénalité doit être la confiscation des biens, laquelle atteindrait également ceux qui troubleraient les juges royaux dans la connaissance desdites usurpations. Quant à ceux qui oseraient s’immiscer dans l’administration des biens confisqués, ils sont menacés de la pendaison.

Le publiciste fait des observations pleines de sens sur la discipline ecclésiastique. Bien des lois établies par les pères de l’église sont fâcheuses et n’engendrent qu’hypocrisie, comme on peut le voir à Rome. Si les pères vivaient encore, ils révoqueraient plusieurs des défenses qu’ils ont faites sous peine de péché mortel, comme le fit saint Augustin. Au jour du jugement, plusieurs se plaindront d’avoir été damnés par eux. « Pourquoi, diront-ils, nous avoir tendu ces pièges ? Les prescriptions de l’ancien et du Nouveau-Testament ne suffisaient-elles pas ? Les apôtres et les évangélistes, Etienne, Laurent, Denys, Martin, Nicolas, ne vous avaient-ils pas autorisés de leur exemple ? C’est vous qui les premiers vous êtes montrés les amis de Satan ; il n’est pas étonnant qu’il vous ait épargné les tentations de la chair. En échange de vos âmes, vous lui en avez donné un nombre infini d’autres. »

Ces règlemens dont Du Bois regrette la rigidité étaient surtout les vœux de continence, qu’il dit avoir été imposés dans l’origine par des vieillards auxquels il n’était plus difficile de pratiquer cette vertu. Ils ont ainsi éloigné du saint ministère les hommes qui vivaient dans le mariage ; mais ils n’ont pas repoussé les fornicateurs, les adultères, les incestueux, qui se disent continens. Tous font vœu de continence, mais peu l’observent. L’apôtre permettait à chacun d’avoir une épouse et de l’avoir publiquement ; on a maintenant des concubines et des amantes adultères en feignant de n’en point avoir. C’est ce que savent les frères mineurs et les frères prêcheurs, qui connaissent mieux que d’autres le véritable état de la