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règnes guidèrent les conseillers de la couronne de France. Il fut le premier et certainement le plus hardi des gallicans, de ceux que les théologiens nomment « parlementaires. » Ses principes vont nettement jusqu’au protestantisme à la façon de Henry VIII et d’Elisabeth d’Angleterre. Il ne veut rien innover en fait de dogme, au contraire il s’en porte pour le plus ardent défenseur ; mais il attribue au pouvoir civil le devoir de veiller sur l’église et de réformer les ecclésiastiques. À la largeur de ses vues sur la grandeur de la France et sur l’action qu’elle est appelée à exercer à l’étranger, on dirait un conseiller de Henri IV ou de Louis XIV ; seulement la mauvaise foi, la fourberie, l’hypocrisie intéressée et parfois la cruauté de ses conseils nous révoltent. Il ouvrit le chemin à ces légistes dont la royauté fut l’unique culte, et qui, dans l’intérêt du roi, inséparable à leurs yeux de celui de l’état, ne reculèrent pas devant les mesures les plus iniques et les plus contradictoires. Les hommes de cette école ont trop contribué à faire la France pour qu’il soit permis d’être pour eux très sévère ; l’histoire impartiale toutefois ne peut oublier qu’ils n’arrivèrent à leur but, qui était la constitution d’une société civile, que par une série d’injustices et de perfidies.

Enfin cette même année 1308, Du Bois remit encore au roi une autre pièce que nous ne possédons pas. Dans les deux derniers mémoires dont il vient d’être question, il parle en effet d’une lettre à l’adresse du pape qu’il remit au roi à Chinon, et il fixe la date de cette remise in festo ascensionis Domini nuper præterito. L’an 1308, Philippe le Bel se trouvait bien à Chinon au mois de mai. Le contenu de cette lettre en tout cas nous est suffisamment indiqué. Du Bois y revenait sur ses idées favorites : paix universelle des princes latins par l’action combinée du pape et du roi, destruction des républiques marchandes d’Italie, puis conquête de la terre-sainte. C’était évidemment une sorte de nouvelle édition du De recupératione.

La dernière date certaine où l’on voit figurer Pierre Du Bois est 1308. Il n’est pas douteux cependant qu’il n’ait vécu encore plusieurs années, et qu’il n’ait continué de tenir une place importante dans les conseils de l’état. Sur un rôle des membres du parlement pour la session commencée au mois de décembre 1319, parmi les examinateurs d’enquête, on voit figurer un « Me Pierre Du Bois. » Son nom est rayé sur cette liste avec la mention qu’il était bailli de la comtesse d’Artois, fonction incompatible avec celle de membre de la cour suprême du royaume. Il n’y a rien dans cette mention qui ne convienne au personnage dont nous nous occupons. On n’a pas cependant de certitude à cet égard. Pierre Du Bois ne sortit pas de la domesticité royale ; il ne fut pas anobli, il n’arriva pas