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fessions faites devant son inquisiteour et devant tant de prélaz et d’autres bonnes genz, que nul home qui en Dieu creust ne devroit ceu rappeler en doute, ne en tel fait notoire querre, garder ne demander ordre ne droit, si come les décrétales le dient expressément. »

Le pape était ensuite accusé de négliger ses devoirs et de s’être laissé gagner à prix d’or. Du Bois lui reproche son népotisme, les nombreux bénéfices qu’il a donnés à ses parens, hommes indignes, qu’un pape plus honnête dépouillera sans doute de richesses et de fonctions usurpées. Il le blâme surtout d’avoir fait cardinal un de ses neveux (sans doute Raymond de Got), qui n’est qu’un ignorant, et de lui avoir donné « plus que quarante papes ne donnèrent onques à tous leurs lignages. » Qu’il craigne que ce bien mal acquis ne leur soit enlevé, et que, lui mort, son successeur ne dépose ces intrus, pour conférer les honneurs qu’ils avaient usurpés à des docteurs éminens, capables d’enseigner le peuple. Si le pape persiste dans son endurcissement. Du Bois invite directement le roi à se passer de lui et à remplir, en supprimant les templiers, les devoirs que le pape ne remplit pas. Du Bois remit en outre à Philippe un mémoire latin censément adressé par le roi à Clément V, et où les raisons de la suppression de l’ordre étaient de nouveau exposées avec force. On ignore si Philippe adressa ce mémoire au pape ; mais certainement il en reçut communication, et il le fit déposer dans les archives de la couronne, où il est encore conservé (Trésor des Chartes, J, 413, no 34). L’hérésie des templiers, y est-il dit, a soulevé une immense clameur. Il est temps encore de séparer l’ivraie du bon grain, et de la livrer aux flammes. Le roi catholique, le roi de France, non comme accusateur ni comme dénonciateur, mais comme ministre de Dieu, champion de la foi catholique, zélateur de la loi divine, veille à la défense de l’église, dont il doit rendre compte à Dieu. Plusieurs lui ont conseillé d’extirper, de sa propre autorité, la perfidie des templiers, suivant les enseignemens de Dieu et les préceptes des saints pères ; il a refusé d’agir ainsi ; il a eu recours au pape, et lui a fait de justes demandes qui ont été repoussées. Il en est résulté un étonnement général et un grand scandale. Du Bois ne se borne pas à effrayer Clément V en lui mettant sous les yeux des exemples de la vengeance divine contre les pontifes négligens ; il lui adresse des menaces plus pressantes. Les templiers attaquent Jésus-Christ, qui est la tête de l’église ; l’hérésie, qui attaque la tête, gagnera bientôt tout le corps ; si le bras droit (le pouvoir spirituel) ne défend pas ce chef sacré, le bras gauche (le pouvoir temporel) doit s’armer. Si le bras gauche reste inerte, les pieds et les autres membres, c’est-à-dire le peuple, agiront.

Clément résistait toujours. Du Bois se fit l’organe du méconten-