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compensation matérielle au dur labeur des ouvriers des champs, de leur rendre, si l’on ose employer cette expression, la campagne plus habitable. Que les départemens et les communes se hâtent d’ouvrir, autant que le permettront leurs ressources, des établissement hospitaliers pour la vieillesse, d’assurer à la maladie, aux infirmités, à la misère, les secours les plus indispensables. Il est encore une institution que les municipalités ou même les particuliers influens peuvent aisément propager : ce sont les sociétés de secours mutuels entre les habitans d’un même canton ou d’un même village. Il suffirait que tous les membres d’une agglomération rurale apportassent chaque année à un fonds commun une cotisation individuelle de 2 ou 3 francs pour que l’on pût combattre avec cet argent bien des maux. Nous avons vu fonctionner en Bourgogne quelques-unes de ces associations qui s’intitulent sociétés vigneronnes et qui ont réussi à chasser presque entièrement de plusieurs villages les tourmens de la pauvreté. Souhaitons aussi qu’un changement longtemps désiré se produise dans les mœurs des classes élevées, et que la plupart des grands propriétaires cessent d’encourir le reproche d’absentéisme. Enfin rappelons en passant qu’il y a urgence, à ce point de vue non moins qu’au point de vue militaire, à refondre nos lois sur le recrutement de l’armée. L’agriculture attribue volontiers à l’ancien système de conscription une influence qui est réelle, et dont le législateur tiendra certainement compte dans les réformes prochaines.

À la main-d’œuvre humaine doit s’ajouter le concours des machines. Les Américains, les Anglais surtout, qui sont en fait de génie rural devenus nos maîtres, ont fini par nous convertir à leurs idées. Leurs constructeurs les plus célèbres ont chez nous des représentans qui, depuis le traité commercial de 1860, réalisent un chiffre élevé d’affaires. Un certain nombre d’ingénieurs français, montant à leur tour des ateliers et des usines, leur font une concurrence honorable et avantageuse. Notre matériel de ferme s’est donc en partie renouvelé : les charrues à labour profond, les scarificateurs, les herses et les rouleaux perfectionnés sont presque devenus d’un commun usage ; il n’est plus d’exploitation un peu importante où l’on n’emploie la machine à battre, le coupe-racines, le hache-paille ; on apprécie de plus en plus les avantages du semoir mécanique, et de nouveaux modèles en sont exposés chaque année ; les faucheuses, les faneuses, les râteleuses, commencent à se voir en juin dans les prairies ; la moissonneuse même, bien que d’introduction plus récente, a déjà coupé dans le nord bien des hectares de céréales ; il n’est pas jusqu’au labourage à vapeur, l’une des importations anglaises les plus intéressantes, qui n’ait été adopté dans