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rager l’usage de l’engrais humain en agriculture. Quant à l’application pratique de cet engrais, M. Nast indique divers procédés qu’il serait trop long de décrire ici ; disons seulement que, dans quelques villages de l’arrondissement de Soissons, l’expérience a confirmé déjà l’efficacité qu’il leur attribue.

Pour peu que les particuliers y apportent quelque activité et les municipalités ou les administrations quelque bon vouloir, la mise en œuvre de tant de ressources négligées compensera vite une bonne partie du déficit dans la production des engrais de ferme, et plus tard, lorsqu’on aura pris l’habitude de nourrir la terre avec ces précieux composts, on continuera de les employer concurremment avec les fumiers de nos bergeries et de nos étables repeuplées. Réacquérir le nombre d’animaux des espèces bovine, ovine et chevaline qu’il est nécessaire d’entretenir en France soit pour la consommation des habitans, soit pour la bonne exploitation du sol, cela coûtera non pas seulement de l’argent, mais aussi du temps et de la peine, d’autant que nous étions déjà forcés, avant la guerre, de demander à l’importation un supplément considérable de bétail. Qu’on nous permette à ce sujet de rappeler ce que nous écrivions il y a quelques mois[1]. C’est par-dessus tout à la production du fumier et à la production de la viande que nos éleveurs et nos engraisseurs devront s’attacher. Jusqu’à ce que les circonstances économiques aient changé, le produit que donnait jadis la vente des laines fines ne devra plus être regardé que comme tout à fait accessoire. On n’ouvrira donc ses bergeries qu’aux moutons à engraissement précoce, tels que les southdowns ou les dishleys. Par croisement ou par sélection il faudra rapprocher de ces types les mérinos français, et plutôt les abandonner, si l’on ne peut réussir avec eux. Cela dit, nous ajouterons qu’une sage intervention du gouvernement devra exercer sur notre économie du bétail l’influence la plus heureuse et la plus utile. Bien loin d’accorder aux éleveurs tous les encouragemens désirables, certaines dispositions de nos lois leur imposent de nuisibles entraves. Le régime des eaux par exemple suscite des plaintes universelles, parce que le législateur a laissé s’accumuler les obstacles à la création, à l’irrigation des prairies. Ce que les cultivateurs demandent au nom de la justice et des intérêts agricoles, c’est que des propriétaires, soit isolés, soit associés en syndicats libres, aient le droit de faire des barrages et des irrigations d’après des règles fixées par la loi et non par l’administration, que ces mêmes propriétaires, dans le bassin d’un cours d’eau, aient le droit de se servir de l’eau qui ne serait pas

  1. Voyez la Revue du 1er septembre 1870.