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réunion de la province au nouveau royaume de Prusse, qui fut la conséquence du partage de 1772. Lors du second partage de la Pologne, en 1793, la Posnanie venait s’ajouter aux états de la Prusse, et les Allemands, déjà établis depuis 1772 dans les districts de la Netze, commencèrent à s’y mêler à la population polonaise, à laquelle ils se substituaient graduellement par leur intelligence et leur activité ; mais ce n’était pas uniquement à l’est que le flot germanique tendait à se répandre, il remontait également au nord vers le berceau de la race teutonne. Là s’était avec le temps constituée une race nouvelle congénère des Angles et des Saxons, qui avaient conquis la Bretagne. Les descendans des Jutes et des Danois avaient remplacé les Cimbres, les Burgundes, les Goths, les Suions, établis au temps de Tacite dans la péninsule et l’archipel du Danemark. De bonne heure, dès les ixe et xe siècles, les populations germaniques et vendes des bords méridionaux de la Baltique firent des irruptions dans leurs parages, et, dès le règne d’Othon Ier, l’empire convoitait la partie méridionale de la terre des Jutes, le Slesvig. À diverses reprises, l’émigration allemande vint disputer aux Danois et aux Normands le sud de la péninsule cimbrique. Il y avait là du reste, comme dans l’Alsace, une sorte de terre mixte, de marche mal définie, qui se prêtait aux envahissemens. Une différence bien profonde ne séparait pas les Bas-Saxons du Holstein des Jutes-Danois. Aussi en 1474 Christiern Ier réunissait-il le duché du Holstein au Slesvig, et plus tard le Jutland méridional suivait les destinées du Holstein, qui se séparait de la couronne de Danemark pour y revenir en 1720. Cette union avec le Holstein activa encore la migration germanique. Les colons allemands passèrent en grand nombre dans le Slesvig, et aux xviie et xviiie siècles l’emploi fréquent par les rois de Danemark de troupes allemandes, sur lesquelles se reposait leur pays, dont l’esprit militaire s’était fort affaibli, aida encore à la germanisation du Jutland méridional, qui ne cessa de se poursuivre, et quand en 1848 le Danemark, pour parer au danger de la dénationalisation d’une de ses plus belles provinces, sépara complètement du Holstein le duché de Slesvig, et le rattacha étroitement à l’unité danoise, les Allemands étaient devenus assez forts pour livrer cette terre à leurs compatriotes. Quelques années plus tard, la Prusse la réclamait comme possession germanique et s’en rendait maîtresse.

On le voit par la suite des événemens que j’ai essayé de résumer à grands traits, l’Allemagne n’a pas fait seulement, comme nous, des guerres d’ambition politique et d’orgueil ; elle n’a pas voulu simplement assurer sa prépondérance ; toutes les fois que l’occasion le lui a permis, elle a repris le cours des invasions qui ont marqué