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germanique. Si en 1208, sous le règne d’Othon IV, son prince était l’un des électeurs, s’il occupa même le premier rang entre les électeurs séculiers, il ne donnait son suffrage que pour l’élection du roi des Romains ; il n’assistait point aux diètes, et son royaume n’était soumis à aucune contribution pour les besoins de l’empire. Le mariage de Marie de Bourgogne et de l’empereur Maximilien Ier rouvrit pour nous la porte à des dangers depuis longtemps éloignés. Les Pays-Bas français, unis à ceux qui avaient relevé de l’empire, passaient sous le sceptre germanique. La Franche-Comté, qui, après l’abdication de l’empereur Charles le Gros, avait pendant un siècle et demi formé un état séparé sous le nom de Bourgogne transjurane, et qui était devenue par la force un fief de l’empire germanique, puis était rentrée sous la suzeraineté de nos rois au temps de Philippe le Long, repassait sous la domination impériale. La France se trouvait ainsi enveloppée de trois côtés par l’Allemagne, et si Charles-Quint n’eût représenté que la puissance germanique, nous eussions sans doute subi à la longue une nouvelle invasion des hommes d’au-delà du Rhin. La Franche-Comté, le Cambrésis, le Hainaut, l’Artois, auraient fini par être germanisés, comme l’avaient été naguère l’Alsace, une partie de la Lorraine et les pays flamands ; mais dans le fils de Philippe le Beau et de Jeanne la Folle se trouvait réuni l’orgueil du castillan à l’astucieuse avidité de l’Allemand : les tendances de l’un contrariaient les projets de l’autre, et, tout empereur qu’on l’eût élu, Charles-Quint demeura toujours plus espagnol que germain. Après son abdication, l’attribution à Philippe II des provinces françaises d’origine qu’avait voulu s’annexer l’empire opposa une barrière aux invasions germaniques. L’Espagne domina dans les Pays-Bas et en Franche-Comté comme en Italie. Elle fut alors notre principale et plus redoutable ennemie, tandis qu’en proie à une révolution religieuse où perçait l’antagonisme des élémens saxon et suève prédominant au nord, et des élémens mixtes (celte, germain et slave), que représentaient l’Autriche, la Bavière et la Bohême, l’Allemagne allait s’affaiblissant. La domination espagnole arrachait l’Italie à l’influence autrichienne. Les descendans des Goths, unis aux Ibères, étaient maintenant ses défenseurs contre le nouvel Alaric, le nouveau Totila qui aurait pu surgir, car le sac de Rome par les bandes que commandait le connétable de Bourbon montrait que la barbarie du nord connaissait encore le chemin de la ville éternelle. L’Espagne se contenta de régner en Italie : elle n’y envoya pas ses colons, qui préféraient l’or du Nouveau-Monde aux dépouilles de cette presqu’île. La France n’avait pas eu d’autres prétentions quand sous Charles VIII, sous Louis XII, sous François Ier, elle avait envoyé ses armées dans le royaume de Naples, la Toscane et le Milanais, car, au lieu d’expédier dans cette péninsule ses enfans, elle