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opposer à de plus redoutables envahisseurs. Quand le colosse de l’empire chancela sur sa base, les irruptions des peuples germains débordèrent davantage, le flot de l’inondation montait et les digues commençaient à céder. Au nord-est, près de la frontière des Chérusques, les Saxons se répandaient de plus en plus sur le littoral de la Mer du Nord, dont leurs pirates désolaient les parages, et qu’ils devaient franchir trois ou quatre siècles plus tard pour soumettre les Bretons, suivant la voie que mille ans environ auparavant les Belges avaient tracée. À l’est, les Goths, sortis de la Scandinavie, abordaient sur les côtes de la Poméranie et de la Prusse actuelle, et, subjuguant les populations vendes, sarmates et germaniques qu’ils trouvèrent sur leur route ou se les assimilant momentanément, ils gagnaient les bords du Danube inférieur. Deux ou trois siècles après, ils revenaient à l’ouest, prenant la direction dans laquelle s’était opérée primitivement l’invasion celtique, inondant, comme l’avait fait celle-ci, l’Italie et l’Espagne. Au nord-est de la Germaine, les Burgundes, les Lombards, congénères des Suèves, remplacèrent cette nation puissante, et furent poussés par un mouvement de migration analogue à celui qui entraînait leurs frères, les premiers à l’est de la Gaule, les seconds au nord et jusqu’au centre de l’Italie.

Toutes ces nations procédaient comme les tribus germaniques qui les avaient précédées : elles ne se contentaient pas de vaincre et de dominer, elles s’établissaient sur le sol, se substituaient aux possesseurs légitimes, se partageant les terres comme prix de la victoire Elles réduisaient les vaincus à la dure condition de colons ou de serfs, et naturalisaient dans cette patrie obtenue par la violence leurs institutions et quelquefois leur langue ; mais là où la civilisation romaine avait poussé de profondes racines, les barbares parvenaient rarement à en effacer l’empreinte. Au contraire, subjugués par elle, ils finissaient par adopter la langue latine, et une partie des lois et des habitudes des vaincus ; c’est ce qui arriva en France pour les Visigoths, les Burgundes et les Francs. Ceux-ci avaient succédé aux anciennes ligues des Chérusques, des Bructères, des Chamaves et des Sicambres, dont ils avaient absorbé les élémens. Après avoir longtemps inquiété les postes romains du bas Rhin, ils pénétrèrent au nord de la Gaule, à la fin du ve siècle, puis s’avancèrent au centre, et ne tardèrent pas à soumettre pour se les assimiler les Burgundes de l’est et les Visigoths du midi. Les Romains, en vue d’arrêter les invasions germaniques, continuèrent d’opposer ces nations redoutables les unes aux autres. Valentinien Ier poussait les Burgundes, devenus ses alliés, contre les Alamans, qui avaient remplacé les Suèves, dont ils étaient en partie formés, et qui, après avoir pendant deux siècles menacé la région du haut Rhin, s’efforçaient de reprendre les projets d’Arioviste. Théodoric et Mérovée