Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 91.djvu/586

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

septentrion de la Gaule traversèrent la Mer du Nord et le Pas-de-Calais, et vinrent se fixer dans la grande île d’Albion. L’inondation celtique fut si vaste, si abondante, qu’elle donna lieu à des remous puissans. À diverses périodes, on vit ce peuple d’émigrans refluer vers l’est, d’où il était arrivé. Les Celtes de la Gaule refoulèrent au nord de l’Italie les Ligures et les Étrusques, et s’avancèrent jusque sur les frontières de l’Ombrie et du Picénum. En Germanie, ils firent des incursions fréquentes, et au commencement de notre ère on rencontre des peuplades celtiques en Vindélicie, en Norique, dans la Bohême, l’Illyrie et la Pannonie, c’est-à-dire dans toutes les contrées du haut et moyen Danube. Ce mouvement démesuré d’expansion se ralentit peu à peu ; le fleuve débordé rentra dans son lit, et aux dernières années de la république romaine, les Gaulois étaient définitivement fixés dans le pays auquel ils imposèrent leur nom ; des essaims armés n’étaient plus envoyés par eux à la conquête de nouvelles terres. Les Celtes de l’Espagne, de l’Italie et de la Bretagne s’étaient séparés de la souche mère ; ceux qui peuplaient notre territoire avaient pris pour leur patrie un attachement qui ne se démentit jamais. Quoique partagés en un grand nombre de nationalités, ils gardaient entre eux une unité de langue, d’institutions, de caractère, qui les faisait reconnaître pour un même peuple ; ceux qui se distinguaient par un dialecte un peu différent et un type local, les Belges, n’étaient pas assez séparés de leurs frères, établis au sud de la Seine, pour qu’on les considérât comme une autre race. La conquête romaine ne changea pas les Gaulois ; s’ils abandonnèrent leur rude idiome pour la langue plus policée des Latins, ils n’en demeurèrent pas moins ce que César les avait connus, un peuple mobile et léger (in consiliis capiendis mobiles et novis plerumque rebus student), mais plein d’ardeur et d’élan, d’une bravoure impétueuse dans les combats, d’une éloquence entraînante dans les conseils. Ils adoptèrent rapidement les institutions romaines, et, sous l’empire, ils fournirent à la ville éternelle quelques-uns de ses chefs et nombre de ses meilleurs soldats, de savans écrivains et de diserts rhéteurs.

Le mouvement de migration d’Asie en Europe se continua pendant bien des siècles. De nouvelles tribus s’avançaient sans cesse sur les côtes du Pont-Euxin, pour pénétrer ensuite dans les plaines qu’arrosent le Dnieper, le Danube et la Vistule. Tandis que les unes suivaient la route de l’Europe centrale, comme l’avaient fait les Celtes, les autres gagnaient le littoral de la mer Baltique, et se répandaient parfois jusque dans la Scandinavie ; mais ce sol ingrat et glacé ne pouvait nourrir une population nombreuse. Quand les tribus qu’y avait refoulées le flot de migrations postérieures se sentaient trop pressées, quelques-unes quittaient cette terre boréale et des-