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ne s’opposaient plus à ce qu’elles se fissent la guerre. Par ambition, les deux pays ont tour à tour forfait à la justice ; ils ont usé de moyens que la morale condamne, mais que la politique se permet, et que le succès fait trop facilement excuser.

La différence qui sépare nos guerres de celles des Allemands n’est pas là ; elle réside dans le but qu’on s’efforçait d’atteindre. La France a toujours aspiré à exercer en Europe une prépondérance à laquelle elle croyait avoir droit par la supériorité de sa civilisation et de ses lumières. Monarchique, elle voulait que son nom fût respecté, que ses ennemis fussent mis dans l’impossibilité de lui nuire ou de l’abaisser ; révolutionnaire, elle travaillait à imposer ses idées d’affranchissement des peuples, d’égalité des droits du citoyen, de progrès social. L’Allemagne a eu d’autres visées ; c’est moins sa domination politique et morale qu’elle prétend établir que des débouchés à l’excès de sa population qu’elle cherche à créer. Ce sont non pas des soldats qu’elle envoie hors de ses frontières, mais des colons armés. Elle fait des invasions, tandis que nous en Europe nous faisons seulement des guerres. Quand la Prusse transformait toute sa population en une armée et ses états en une vaste caserne, elle avait pour cela ses raisons. Elle organisait ainsi d’une façon formidable les migrations qui s’apprêtaient à sortir de son sol ; elle équipait en guerre les hommes qui marchaient à la conquête d’un ciel plus doux, de terres plus riches et plus fertiles. Nos voisins ont expulsé ceux dont ils avaient envahi la patrie, ou ils les ont réduits à l’état de caste inférieure, de classe déshéritée. Nous nous sommes mêlés au contraire aux nations que nous avions vaincues, et nous les avons libéralement associées à nos avantages, laissant les habitans tranquilles possesseurs des biens de leurs pères. Un rapide coup d’œil jeté sur nos guerres et sur celles de nos voisins mettra complètement en relief le parallèle ; il est tout à notre honneur, sinon à notre profit.


I;

À une époque qui se perd dans la nuit des âges, le pays qui devait s’appeler plus tard la Gaule fut envahi par les Celtes, dont les tribus s’étaient graduellement avancées de l’Asie jusqu’au centre de l’Europe. Après avoir franchi le Rhin et le Jura, les Celtes subjuguèrent les peuplades encore sauvages qui habitaient de la Manche et de l’Océan à la Méditerranée, puis ils se mêlèrent à elles de façon à ne plus constituer ensemble qu’un seul peuple. Les flots de cette race envahissante se répandirent bientôt au-delà des Pyrénées, où ils rencontrèrent les Ibères, auxquels ils enlevèrent une partie de leurs cantonnemens. Quelques tribus celtiques établies au