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pouvons les emporter même au rempart ; mais nos musées sont fermés, d’épais blindages en bannissent la lumière ; les tableaux sont roulés, les statues descendues de leur piédestal sont protégées par des armures de bois et de fer contre les boulets que leur réservent les compatriotes de Winckelmann et d’Ottfried Muller, maintenant que sont arrivés sous Paris les canons qui ont brûlé la bibliothèque de Strasbourg. C’est donc aux livres, c’est à la gravure qu’il faut demander aujourd’hui de nous donner au moins le reflet des joies si vives et si pures que nous éprouvions, dans des temps plus heureux, à parcourir les splendides galeries du Louvre. Parmi les ouvrages qui peuvent nous donner ce plaisir, je veux en signaler un que la guerre a interrompu en plein succès ; en nous faisant passer sous les yeux des monumens variés de toutes les civilisations, reproduits avec une intelligente fidélité qui fait honneur à l’artiste, avec ce luxe d’exécution auquel les Hachette et les Didot nous ont accoutumés, cette publication nous dépayse heureusement, elle nous délasse de nos misères présentes en nous faisant admirer l’éternelle et toujours jeune fécondité du génie humain.

Son but, comme le dit le titre même, c’est de mettre à la disposition de nos artistes des motifs d’ornementation empruntés aux chefs-d’œuvre les plus exquis de l’art des peuples et des siècles les plus originaux et les mieux doués. Notre temps est plus éclectique, en matière d’art, qu’inventif et créateur ; c’est surtout en s’appropriant, de diverses manières et dans des proportions variables, les élémens imaginés autrefois par différens peuples qu’il arrive à une certaine beauté composite et savante qui plus tard trouvera à son tour des imitateurs ; son originalité est surtout dans la combinaison, dans l’interprétation. Or il importe, pour qu’il atteigne au moins tout le degré de perfection qui est compatible avec cette tendance, qu’il s’adresse aux meilleurs modèles, aux œuvres qui représentent le mieux le génie de chaque grande civilisation. De grands efforts ont été faits dans ce sens, comme le rappellent les promoteurs de l’entreprise dont nous avons voulu entretenir les lecteurs de la Revue. Le gouvernement, par ses bibliothèques et ses musées, par l’institution de nombreuses écoles de dessin, l’initiative privée, par les associations auxquelles elle a donné naissance, les amateurs les plus connus, par la libéralité avec laquelle ils ont plus d’une fois consenti à se séparer quelque temps de leurs chers trésors pour les offrir aux regards du public dans des expositions rétrospectives, tous, dans la mesure de leurs forces, ont contribué à élever la moyenne du goût et à répandre l’amour des belles formes. Les artistes, les archéologues, les éditeurs, n’ont pas non plus failli à cette tâche.

De nombreux et intéressans ouvrages ont déjà paru sur cette matière ; mais les uns sont tout à fait spéciaux, consacrés d’une manière exclusive à un seul monument ou encore à une seule application de l’ornement, par exemple à telle forme architecturale déterminée ; d’autres