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plus d’une religion dans le cœur de l’homme : le culte de la patrie explique et fait aimer le culte d’un Dieu. Nous ne songeons pas à nous demander quelles sont les croyances de l’auteur ; ce qui importe, c’est que les vers qu’il écrit sont animés d’une foi sincère dans la patrie, et c’est là ce dont la France a besoin. La foi soulève les montagnes, et quelle montagne de difficultés ne pèse pas sur notre pays ! Il nous faut la foi dans les secours, il nous faut la foi dans les ressources de la France, il nous faut la foi dans les chefs, et elle doit être aveugle pour être complète. Nous renvoyons le lecteur à la pièce même que nous indiquons ; l’harmonie du tout en est tellement le trait essentiel que nous risquerions par des citations d’en altérer le caractère.

Des récits puisés dans la triste réalité, de petits drames qui ont été l’histoire de nos soldats et de nos concitoyens avant d’être de la poésie, de simples discours relevés par les mouvemens d’une passion sincère, voilà tout le recueil de l’Invasion en 1870. M. Delpit n’a pas eu l’ambition de se faire le Tyrtée de la France, et l’élément lyrique a peu de place dans son livre. Il a préféré la fermeté mâle des vers héroïques, à peine quelques stances s’y mêlent çà et là, et la strophe semble craindre d’y prendre son essor. Si les morceaux où l’auteur s’efforce de s’élever à des points de vue généraux avaient autant de mérite que les peintures personnelles et les détails, nous ne craindrions pas d’affirmer qu’un poète nouveau vient s’ajouter à la liste des bons écrivains de nos jours ; mais M. Delpit est jeune, son talent mûrira, nous l’espérons, les années et l’étude sérieuse de son art lui apporteront sans doute ce progrès que les poètes doivent demander à la philosophie et à l’expérience de la vie. M. Delpit, qui est citoyen des États-Unis, parle de deux dettes qu’il avait contractées : celle de sa patrie, protégée, défendue par nous ; il l’a payée avec son fusil ; celle qui lui était personnelle pour avoir joui de notre hospitalité durant dix ans, il la paie aujourd’hui avec son livre. Il en est une troisième qu’il ne doit pas oublier ; c’est la dette contractée envers lui-même, envers son talent, et dont il y a déjà lieu d’attendre que le jeune et vaillant poète saura s’acquitter à son honneur.

Louis Étienne.


L’Ornement polychrome, 100 planches en couleur, or et argent, contenant environ 2,000 motifs de tous les styles, art ancien et asiatique, moyen âge, XVIIe et XVIIIe siècles, recueil historique et pratique publié sous la direction de M. A. Racinet ; Didot, in-8o.

Un des tristes résultats de cette guerre qui nous a déjà fait tant de mal, ç’a été d’interrompre tout mouvement d’esprit, tout travail artistique et littéraire en France et en Allemagne. On n’écrit, on ne lit plus que des articles de journaux ; les fausses nouvelles sont presque