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ment eût agi un peu plus de toutes manières, eût fait un peu moins de proclamations, il ne se serait pas exposé à promettre plus qu’il ne pouvait tenir et à laisser sur nos murailles la trace de bien des paroles qu’on peut aujourd’hui tourner contre lui. Tout cela est assez vrai, tout cela veut dire que, s’il y avait eu au 4 septembre un gouvernement naissant un peu moins au hasard, ayant un peu plus de temps pour faire face à toutes les difficultés, réunissant des hommes un peu mieux préparés à tenir tête aux redoutables éventualités qui se dressaient subitement devant nous, nous aurions pu être plus heureux. Pour cela, nous en sommes bien convaincus, et plus d’un membre du gouvernement, sans l’avouer, en est lui-même tout aussi persuadé.

Oui, sans doute, des fautes ont été commises, et on ne voit que ces fautes à la lumière sinistre du dénoûment qui a éclaté comme un coup de foudre ; mais en toute justice n’y a-t-il donc que ce dénoûment, et ce pouvoir qu’on accuse aujourd’hui presque de trahison n’est-il pas le même qui a lutté, qui a combattu, qui a soutenu la défense depuis cinq mois ? C’est lui en définitive qui a organisé cette défense dont les élémens existaient à peine au lendemain du 4 septembre, au moment où les Prussiens, arrivant devant Paris, auraient pu peut-être par une brusque attaque enlever la ville de vive force. Lorsque l’investissement commençait, le jour du premier combat de Châtillon, qui admettait par la pensée que ce siège, dont on acceptait virilement toutes les chances, allait durer près de cinq mois ? On ne le croyait pas plus à Paris que dans le camp prussien. On avait même de la peine à croire aux assurances de l’administration déclarant qu’il y avait des approvisionnemens pour six ou sept semaines. On ne voyait rien au-delà. Et cependant Paris a tenu quatre mois et demi. Trois ou quatre grandes batailles ont été livrées, l’ennemi n’a pu pénétrer jusque dans nos lignes de défense ; il a cerné la grande ville sans l’entamer, et, s’il a fini par la bombarder, ce n’est pas même à son artillerie qu’il doit sa victoire. Paris en un mot a été préservé jusqu’au bout, et le gouvernement y est sans doute pour quelque chose. Croit-on qu’il n’était pas le premier intéressé à couronner cette grande lutte par une dernière victoire qui eût été notre délivrance ? — Soit, disent naïvement certaines gens, le gouvernement a fait durer le siège, il a prolongé la résistance, il a demandé aux Parisiens de combattre et de souffrir ; mais c’était bien la peine de prolonger ainsi la lutte, d’imposer à une population tout entière les privations les plus cruelles, pour en venir à cette suprême catastrophe ? — Eh sans doute, quelque pénible que soit le dénoûment, c’était la peine de tenir aussi longtemps qu’on l’a pu, de tenter cette périlleuse lutte, sans savoir si on parviendrait à vaincre la mauvaise fortune.

Cette résistance de Paris, c’était pour la France la possibilité de retrouver ses forces et de se relever, c’était une sorte de protestation ou de réhabilitation de l’honneur national humilié à Sedan et à Metz. C’était