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LE PARTI PIÉTISTE


ET VARNHAGEN DE ENSE




I. Tagebücher von K.-A. Varnhagen von Ense, 12 vol. in-8o, 1861-1870. — II. Denkwürdigkeiten und vermischte schriften von K.-A. Varnhagen von Ense, 9 vol. in-8o, 1848-1859. — III. Briefe von Alexander von Humboldt an Varnhagen von Ense, etc.




Personne n’ignore que depuis longtemps le rêve de l’Allemagne était l’unité. On sait aussi qu’elle n’a rien négligé pour y parvenir, et il faut reconnaître qu’elle semble y avoir enfin réussi ; mais à quel prix ? On ne le remarque pas assez. C’est peu qu’elle ait offert toutes ses libertés en holocauste à son idole, qui ne les lui rendra pas. Elle s’est résignée à un sacrifice plus étrange. Il existait, il existe encore, non-seulement au point de vue de la géographie, mais dans le monde intellectuel, dans le monde des sciences, de la pensée et de l’art, une très grande Allemagne et une autre fort petite. La première, idéaliste, souvent spirituelle, toujours savante, très hardie en philosophie, en religion, en politique ; c’est elle qui a donné au genre humain des philosophes indépendans comme Kant et Schleiermacher, un poète de premier ordre tel que Goethe, un esprit encyclopédique tel que l’auteur du Cosmos, et des artistes comme Holbein et Mozart, Mendelssohn et Beethoven. L’autre Allemagne est beaucoup moins allemande que prussienne, elle est étroite d’idées, intolérante, despotique et aristocratique au suprême degré. Ce n’est pas tout encore : la petite Allemagne, exclusive et hautaine, a un point central, un foyer très peu lumineux, mais animé d’une ardeur sombre et dévorante : c’est un parti dévot ou,