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gent. Ses défenseurs, autant que le permettait leur petit nombre, profitèrent de l’avantage de la position pour inquiéter fréquemment les Prussiens et pour démonter même quelques batteries ; mais les assiégeans leur opposèrent la patience du chasseur qui guette sa proie à coup sûr. Après avoir réussi à installer non sans peine leurs pièces de siège, ils couvrirent la ville d’obus suivant leur habitude, y détruisirent beaucoup de maisons, en mutilèrent les principaux édifices, et attendirent que la garnison, étroitement investie, fût obligée de capituler. Ils comptaient sur la faim, leur auxiliaire habituelle. Cette fois ils se trompèrent dans leurs calculs. Montmédy, qui avait été désigné à l’intendance comme un des points où se rejoindraient peut-être les armées du maréchal Bazaine et du maréchal Mac-Mahon, regorgeait de vivres. Tant que la ligne des Ardennes n’avait pas été coupée, on y avait envoyé de nos places du nord et de Paris des salaisons, du riz, du café, du biscuit, de la farine, de quoi nourrir pendant quelques jours plusieurs centaines de mille hommes. La place ne capitula donc pas faute de pain. Le commandant déposa les armes sous la menace d’un danger non moins terrible que la famine, sous une pluie d’obus qui, tombant depuis plusieurs mois presque sans interruption dans l’étroite enceinte d’une forteresse à peine aussi grande que la place de la Concorde et y détruisant successivement tous les abris, avait failli à plusieurs reprises faire sauter les poudrières, quelques précautions qu’on prît pour les protéger. Il eût accepté pour lui et pour la garnison ce péril du soldat ; il était de son devoir de n’y point exposer la population civile, les femmes et les enfans, qu’une seule explosion dans un si petit espace eût nécessairement anéantis. Sans cette raison d’humanité, la place de Montmédy tiendrait encore, comme le fait aujourd’hui sa voisine, l’intrépide forteresse de Longwy.

Avec Phalsbourg et Montmédy, la résistance, qui avait duré plus de quatre mois dans les deux départemens de la Meurthe et de la Meuse, s’éteignait faute de points d’appui. Les jeunes gens néanmoins ne renonçaient point à combattre, et beaucoup s’enfuyaient de leurs maisons pour aller rejoindre dans la montagne les francs-tireurs des Vosges. D’autres essayaient de gagner le département de la Moselle, où ils savaient que la lutte de la Lorraine contre l’étranger se continuait avec énergie. Là en effet, dans cette contrée patriotique d’où sont sortis tant de soldats de la révolution et du premier empire, rien n’a pu décourager l’intrépidité de nos derniers défenseurs, ni la prétention des Prussiens de garder la rive droite de la Moselle, depuis Sierck jusqu’à Metz, ni la désastreuse capitulation du maréchal Bazaine. Que de larmes cependant ont été versées par une population si fière de ses glorieux souvenirs, si pé-