Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 91.djvu/534

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avenues, comme si l’ennemi songeait à nous attaquer. Pendant que nous travaillions fort inutilement à nous mettre en garde contre une offensive à laquelle on n’a jamais pensé, l’ennemi se fortifiait de son côté, il remuait des monceaux de terre, il élevait des forteresses aussi imprenables que les nôtres, et nous condamnait à l’assiéger dans des positions formidables, chaque fois que nous essaierions de sortir. Ce n’est donc pas au dedans, c’est au dehors, aussi loin que possible, en avant de nos forts, qu’il eût fallu porter l’activité des cinq cent mille bras dont disposait la défense. C’est la pioche à la main qu’il eût été habile de combattre, en reculant la ligne d’investissement jusqu’à la rompre, en opposant à chaque ouvrage que l’ennemi tenterait d’établir un ouvrage plus fort et mieux armé, en portant au-devant de lui, au lieu de les immobiliser, nos pièces de gros calibre pour écraser son artillerie de campagne et bouleverser ses travaux. Que de résultats n’eût-on pas obtenus, si l’on eût fait hors de l’enceinte tout ce qui s’est fait sans utilité dans l’intérieur de la place ! La commission des barricades eût rendu beaucoup plus de services hors de Paris que dans Paris. Si, malgré les proclamations emphatiques et les fastueuses paroles qu’on adressait à la population en lui promettant chaque semaine la victoire et la délivrance, on n’avait eu en réalité d’autre ambition que de se tenir sur la défensive, d’attendre indéfiniment le secours de la province, pourquoi appeler à Paris avant le 19 septembre cent mille gardes mobiles et quatre-vingt mille soldats qui se fussent mieux exercés, mieux disciplinés au dehors que dans nos murs, dont nous n’avions aucun besoin pour nous défendre, et qui, joints aux troupes de Bourbaki et de Chanzy, nous eussent peut-être délivrés ? S’il ne s’agissait que de résister derrière nos forts et nos remparts, les marins, les artilleurs, les régimens de douaniers et de forestiers, les gardes républicains, les anciens sergens de ville, les nombreux corps de volontaires, les gardes nationaux, suffisaient amplement à une besogne dont la prudence bien connue de l’ennemi diminuait les difficultés et les dangers. En ce cas aussi, les vivres étant nos armes les meilleures, il fallait, du 4 au 18 septembre, annoncer à la population qu’on allait soutenir un long siège, engager sérieusement toutes les bouches inutiles à quitter la place, y accumuler par tous les chemins de fer restés libres des approvisionnemens pour une année, et dès le lendemain de l’investissement y rationner le pain comme dans une ville de guerre.

La forteresse de Montmédy, quoique beaucoup plus petite, est mieux située que celle de Verdun pour soutenir un siège. Plus élevée que les terrains environnans, elle domine le pays du haut de ses remparts et surveille de loin les opérations de ceux qui l’assiè-