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Prusse avait cessé toute résistance ; après Sadowa, on ne songeait guère à se défendre dans les belles forteresses de l’Autriche. Chez nous, la moindre bicoque a fermé ses portes et soutenu un siège en règle. La résistance opiniâtre de toutes les places de la Lorraine, avec la défense de Strasbourg et l’énergique attitude de la population parisienne, fournira un beau chapitre au futur historien de la campagne. Envahie dès le 6 août, occupée, traversée en tout sens, dévastée par l’ennemi, cette énergique province résiste toujours, partout où elle le peut, et, pendant que les francs-tireurs des Vosges faisaient le coup de fusil dans leurs défilés et dans leurs bois, de Saint-Dié à Belfort, deux des huit forteresses lorraines continuaient hier le combat, comme pour protester de leur attachement à la France. Et c’est le département de la Moselle, celui qui a supporté le premier le poids douloureux de la guerre, celui où se sont livrées les plus furieuses batailles, qui aujourd’hui encore atteste sa résolution de demeurer français par l’opiniâtreté de sa défense. Il a perdu Metz et Thionville ; mais il lui reste Bitche, il lui reste Longwy, et tant que ces deux forts résistent, il ne veut pas s’avouer vaincu, même après six mois de lutte.


I.

On sait ce que le département de la Meurthe a fait pour la patrie commune en envoyant ses bataillons de gardes mobiles à peine organisés, à peine équipés, s’enfermer à Toul, où ils ont arrêté si longtemps la marche des convois prussiens, intercepté les communications de l’Allemagne avec l’armée qui assiège Paris, et à Phalsbourg, où, pendant plus de quatre mois, sur ce rocher isolé, perdu au milieu de la montagne, l’ennemi les bombarda sans triompher de leur résistance. La Meuse aussi a payé sa dette au pays par la belle défense de Verdun et de Montmédy ; quand on connaît la situation de la ville de Verdun, assise dans une vallée, dominée de tous côtés par des hauteurs, comme Goethe le remarquait déjà pendant la campagne de 1792[1], on s’étonne qu’elle ait pu tenir si longtemps contre une artillerie à longue portée. N’ayant pas de forts pour se couvrir, elle est aussi exposée que le serait Paris, si l’ennemi pouvait s’établir sur le mont Valérien, que le serait Metz, si le mont Saint-Quentin tombait au pouvoir de l’assiégeant ; mais là, comme à Toul, d’énergiques efforts, de vigoureuses sorties empêchèrent les batteries prussiennes de s’installer sur les points menaçans pendant la première période du siège. Puis, quand il fallut subir le feu, les habitans et la garnison le suppor-

  1. Voyez la Revue du 1er janvier.