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blée constituante. Ses travaux sont fort avancés, et ses vues ne seraient peut-être pas éloignées de celles qu’on vient d’exposer.

Cette question du recrutement, on le voit, appelle la plus sérieuse attention ; on peut dire qu’elle est la question capitale dans l’organisation judiciaire, et qu’elle laisse toutes les autres sur le second plan. La réduction des tribunaux, l’augmentation du traitement de la magistrature, la suppression de la limite d’âge, n’offrent pas au surplus de difficultés réelles. Sous tous les régimes, un véritable pouvoir judiciaire, c’est-à-dire une magistrature forte et indépendante, sera toujours la première des sauvegardes. Les pays qui possèdent un tel pouvoir sont sauvés. Que craindraient-ils ? Ils ne relèvent que de la loi, et les gardiens de la loi ne relèvent de personne. Le gouvernement de la défense nationale a toutefois donné satisfaction à une réforme qui était aussi très vivement sollicitée, celle du roulement par la voie du sort dans la composition des chambres. Ce fut là une des dernières réclamations de Berryer au corps législatif. On sait qu’en 1859 le gouvernement, dans les sièges de justice où il existe plusieurs chambres, avait remis la composition de ces chambres, en première instance et à la cour, au président et au chef du parquet, sous le contrôle du ministre de la justice. Berryer attaqua cette mesure, dont il redoutait surtout l’effet pour les questions de presse soumises aux tribunaux correctionnels. Il le fit avec émotion, car il aimait la justice, et se révoltait à l’idée qu’on cherchât à l’abaisser. « Voilà un siècle entier tout à l’heure, disait-il, que mon père et moi nous sommes restés constamment, fidèlement, par le cœur comme par la pensée, attachés à l’ordre judiciaire dans l’exercice du barreau, nous associant aux œuvres de la justice comme des auxiliaires indépendans et respectueux. C’est, messieurs, ce sentiment et ce respect persévérans qui m’ont fait proposer l’amendement dont il s’agit, et que je crois, dans mon âme et conscience, protecteur de la dignité de la magistrature. » L’amendement, malgré l’insistance de l’orateur, fut repoussé. Un décret du 21 octobre dernier en a admis l’économie. Désormais, dans les cours et les tribunaux où il existe plusieurs chambres, il sera fait, dans la huitaine qui précède la rentrée, un roulement général par la voie du sort entre les présidens et les juges qui composeront ces chambres. Cette année même, toutes les chambres de la cour de Paris et du tribunal de la Seine ont été soumises à ce nouveau roulement.

Dans les pages qui précèdent, nous n’avons eu d’autre but que de rassembler quelques traits sur la situation du Palais et de la famille judiciaire pendant ces cruelles journées du siège, en jetant aussi à la dérobée un simple regard sur l’avenir. Il faut le dire à