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attacher des gages aux mandats politiques. Elle ne doit pas être, selon le mot énergique d’un ouvrier, « un mât de cocagne où l’on grimpe pour décrocher des montres. » Une nation assez heureuse pour lever sans peine une armée de volontaires gratuits n’a pas besoin d’exciter par l’appât d’un traitement une armée de solliciteurs intéressés.

Conditions de domicile imposées aux électeurs et aux élus, subdivision des collèges, gratuité des fonctions, telles sont les lois d’une élection municipale sincère et bonne, à Paris comme en province. L’absence d’élection serait un déni de justice, l’absence de précautions serait un péril permanent, sous la république comme sous l’empire. Le partage avec les mairies des attributions accaparées par la préfecture de la Seine, la nomination par le gouvernement des agens politiques et le libre choix par les électeurs des agens municipaux, tels paraissent être les grands traits d’une meilleure organisation municipale de Paris. La tâche de cette administration sera lourde. Aux termes du second rapport de M. Lepelletier d’Aulnay, dernier document qui puisse servir à fixer la situation financière de Paris à la fin de l’empire, la ville avait une recette ordinaire de 173 millions, dont près de 110 millions produits par l’octroi. La dépense ordinaire étant de 95 millions, il ne restait que 77 millions disponibles pour le service de la dette, qui devait en 1872 exiger 84 millions, et les travaux indispensables, en première ligne l’achèvement du boulevard Saint-Germain et de l’avenue des Tuileries à l’Opéra, devaient au moins coûter 100 millions. Pour achever ces travaux, rembourser les 250 millions dus au crédit foncier, liquider la caisse des travaux, parer à l’imprévu, la commission et le gouvernement concluaient à un emprunt de 660 millions et à la prolongation de la surtaxe de l’octroi. Retranchez de la colonne des recettes le déficit résultant de la suspension de l’octroi, ajoutez à la colonne des dépenses les frais du siège, et vous aurez une idée nette de la situation que la prochaine administration municipale aura devant elle après le départ des Prussiens.

Aux difficultés d’argent s’ajouteront sur presque tous les points des difficultés de système. Il ne manquera pas de bonnes raisons pour attaquer l’octroi de Paris, qui pèse lourdement sur les petits consommateurs, et dont la perception est désagréable et coûteuse ; mais dans une ville où l’assiette de tous les impôts, surtout des impôts directs, sera diminuée si notablement, il sera bien difficile de remplacer une contribution qui finit par se confondre avec le prix des choses, qui est en partie payée par les étrangers, et qui reste à peu près d’ailleurs la seule ressource des budgets municipaux dans les pays comme la France, où le budget de l’état s’alimente principalement par les contributions directes. Après le difficile établis-