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et aux cantons qui les auront fournis, y trouveront à moins de frais pour l’état et avec moins de sacrifices pour les hommes l’instruction qui leur est nécessaire.

Ils n’auront pas cette organisation improvisée, tumultuaire, à laquelle il n’a été possible d’obvier que par d’admirables efforts. Mieux préparés à remplir des devoirs que le patriotisme seul ne suffit pas à enseigner, ils supporteront plus aisément le poids de la discipline, et la pratique des vertus militaires leur sera plus facile. Ils ne seront pas tentés, comme ils l’ont été peut-être quelquefois, de tourner leurs regards, avant le temps, vers le foyer paternel. Ils se soumettront à la loi de l’obéissance, et auront des officiers qui ne dépendront plus d’eux. L’élection des chefs a deux graves inconvéniens dont on vient de faire l’épreuve, et sur lesquels nous n’insisterons point. Dans les corps bien disciplinés, elle rend l’obéissance exclusive et habitue les hommes à ne mettre leur confiance que dans ceux qu’ils ont choisis ; dans toute armée, elle détruit l’avancement, et ne permet plus de faire du service une noble carrière.

Et maintenant que la défense de Paris est terminée sans succès, hélas ! mais non sans honneur, c’est encore une consolation dans nos malheurs de conserver quelque temps parmi nous cette armée si intéressante et si nouvelle en France. Elle ne prendra pas du moins le chemin de la terre étrangère sous la garde de nos vainqueurs. Sa présence du reste nous est encore nécessaire pour adoucir nos tristesses, pour donner à tous l’exemple de la soumission à la loi et du respect au drapeau de la France en deuil. S’ils doivent nous quitter, ils pourront bien redire les paroles du héros troyen : « ce bras eût défendu Pergame, si Pergame avait pu être défendue ; » mais nos braves mobiles sont jeunes, et, puisque l’amour de la patrie nous commande d’espérer, comptons pour eux et pour notre pays sur un meilleur avenir.

Louis Étienne.