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habits bleus dans les habits blancs, c’est-à-dire des bataillons de volontaires et de fédérés dans les régimens de ligne. Cette organisation, qui était la ressource suprême, reçut le nom d’amalgame. Une décentralisation mal faite avait amené une centralisation excessive. Une armée formée de troupes locales et de forces temporaires, levée à la hâte par besoin d’économie et par intérêt pour la liberté, fut une source de dépenses énormes et de désordres sans nom. Un ordre mieux entendu et l’attachement à des règles fixes ont permis, au moment redoutable où nous sommes, de réunir les élémens de deux armées qui se prêteront un mutuel appui sans se confondre, et demeureront distinctes sans se porter préjudice. Nous avons dû nous mettre au point de vue des institutions militaires actuelles de la France. Dans cet état de choses, la garde mobile reste le grand corps de la jeunesse française tel qu’il est après la levée du contingent de l’armée permanente, soit que cette armée demeure ce qu’elle est aujourd’hui, soit qu’on diminue le contingent annuel, et même qu’on abrège la durée du service. Si le tirage au sort était supprimé, si la jeunesse entière devait passer tout d’abord par les rangs de la troupe régulière, nous serions en plein système prussien ; la garde mobile serait purement et simplement la landwehr. Reste à savoir si l’opinion publique supporterait l’obligation d’un service de trois ans dans l’armée active et de quatre ans dans la réserve, sans compter la perspective de la landwehr qui vient après : telles sont en effet les conditions de ce qu’on appelle en Prusse l’organisation de 1860. Il faudrait surtout se demander si l’égalité française accorderait le privilège de l’engagement pour une année unique en faveur des professions libérales, qui, sans cet avantage, seraient ruinées et presque anéanties. L’avenir décidera cette immense question.

On a vu les principaux caractères de cette troupe improviste que la France a trouvée sous sa main quand ses armées ont été englouties dans une guerre de trois semaines. Les bataillons rassemblés dans les départemens par l’autorité militaire vers le milieu du mois d’août, après nos premières défaites, ont reçu l’ordre de se transporter à Paris par les voies rapides à la nouvelle de Sedan et du prochain investissement de la capitale. Ils ont été formés par l’empire agonisant et appelés par la république. Les départemens qui se sont le plus hâtés ont eu l’honneur de soutenir avec nous le siège, de rendre l’énergie aux débris de la ligne, de composer le premier noyau de l’armée de Paris. Leur prompte réunion a été l’œuvre unique de leurs officiers. Ceux-ci ont mérité partout la reconnaissance du pays ; sans eux, la garde mobile n’eût été qu’un déplorable avortement. Ces hommes distingués, dispersés dans les villes et les campagnes, les uns anciens militaires ayant donné leur