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Laval, qui s’en soucient peu ; conflit entre les électeurs de Paris, qui demandent des travaux, et leurs députés, qui exigent des économies ; guerre civile à la tribune entre les Parisiens, qui invoquent leurs droits et leurs besoins, et les provinciaux, refusant les droits et impatiens de détruire l’octroi, qui pourvoit à peu près seul aux besoins de la cité : telle est en résumé la confusion de principes, de paroles, de pouvoirs, d’intérêts, sortie dès la première année de la loi de 1869.

Le second mode extrême, tout à fait à l’opposé du premier, c’est d’assimiler purement et simplement Paris à toutes les autres communes de France, et de faire nommer par le suffrage universel un conseil municipal de quatre-vingts membres, un par quartier, en demandant aussi aux électeurs de nommer directement le maire central et les maires et adjoints d’arrondissement. MM. Gambetta, Ferry, Crémieux, avaient présenté ce projet à la fin de la dernière législature. Rien de plus simple que ce système, mais rien aussi de plus inacceptable, car il produirait, sous la république aussi bien que sous la monarchie, un pouvoir municipal capable de renverser le gouvernement et incapable d’administrer la ville. Le juste désir de voir restituer aux habitans de Paris leurs libertés municipales ne doit pas faire oublier que Paris est la capitale de la France et le séjour de deux millions d’habit ans. On ne peut pas administrer une capitale comme si le gouvernement n’y siégeait pas, on ne peut pas administrer une province entière comme un village. Il y a là un problème nouveau, spécial, que l’expérience a posé pour la première fois dans notre siècle, aussi bien à New-York, à Londres, à Berlin, à Genève, qu’à Paris[1]. Les imitations et les précédans sont ici sans usage, les premières parce qu’aucun peuple n’a le suffrage universel illimité, les seconds parce qu’aucun siècle n’a vu une population de deux ou trois millions d’âmes agglomérée dans la même cité. Il faut donc de toute nécessité chercher un troisième système, qui, sans négliger le caractère mixte d’une commune qui est en même temps une capitale, sans oublier surtout le droit inaliénable des électeurs, s’inspire avant tout très directement de la nature des devoirs, des travaux, des attributions, que l’autorité municipale est appelée à mener à bien dans Paris.

Le siège nous fournit encore ici des indications précieuses, car il nous montre clairement où est la vie municipale. Depuis vingt ans, on la croyait au centre ; tout à coup on s’aperçoit qu’elle jaillit aux extrémités, comme une eau qui, délivrée de retenues artificielles, retournerait à un niveau naturel. Sous l’empire, tout partait de la mairie centrale ; depuis le à novembre, on a supprimé la mai-

  1. Voyez la Revue du 1er juin.