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cette manière de faire saluer l’obus. Dans un fort, le long des remparts, on a comme protecteurs les hauts talus de terre ou traverses, et les amas de gabions sur lesquels vient mourir le projectile ; on a aussi les parapets, les assises de sacs à terre, enfin les casemates et les abris blindés aux formes capricieuses établis sur tant de points de nos fortifications. Surpris, loin de tout abri protecteur, à défaut de la position horizontale, qui convient si peu à des militaires, surtout à des officiers, et qui souvent ne préserve guère, on peut s’appuyer contre les talus, contre les levées de terre, qui règnent partout le long des courtines et en quelques endroits des bastions. L’immense espace resté vide au milieu de ceux-ci est cependant un point très dangereux à traverser, c’est pourquoi on y a quelquefois établi des espèces de murs en terre verticaux alternant entre eux, et le long desquels on peut, comme on dit, se défiler, d’où le nom de défilemens que l’on donne à ces sortes d’ouvrages.

S’il est impossible de prévenir l’éclatement d’un obus, il n’en est pas de même de celui des bombes incendiaires. Un seau d’eau ou mieux de sable, une couverture mouillée, jetés à la hâte sur celles-ci, quand elles continuent encore à brûler et lancent la flamme par leurs évens, suffisent généralement à les rendre impuissantes. Il en est de même pour les boulets rouges, qui ne sont plus employés aujourd’hui, et dont il était très facile d’éteindre les incendies au début. Dans une maison, dans un édifice, on peut du reste atténuer beaucoup les effets des projectiles explosifs ou inflammables en répandant un lit de sacs à terre ou une couche de sable sur les planchers, en blindant les façades à la base, en calfeutrant soigneusement toutes les ouvertures, car il est à remarquer que les obus entrent volontiers par les fenêtres. Les caves, quand elles sont bien construites, sont un abri à peu près sûr, pourvu encore qu’on en ait soigneusement bouché les soupiraux. À vrai dire, il n’y a pas d’étage qui soit à l’abri des obus. On croit d’ordinaire que les étages supérieurs sont les seuls véritablement exposés. Le bombardement de Paris a démontré que le fait était inexact, et les projectiles lancés de Châtillon, à la distance de plus de 7 kilomètres, sont venus tomber sur nombre de maisons de la rive gauche, dans les cours, les rez-de-chaussée, les entre-sols, et jusque dans les caves.

On a vu que l’obus en chemin se trahit par une sorte de sifflement particulier. Cette vibration de harpe éolienne, ceux qui l’ont entendue une fois ne l’oublient jamais. Ce sifflement provient du fouettement de l’air au passage du projectile, animé d’une très grande vitesse, de 300 à 400 mètres environ par seconde. Comme la vitesse diminue à mesure que l’obus s’avance, l’intensité du sifflement diminue aussi, mais le bruit s’entend de très loin, souvent pendant