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II.

On connaît la forme ogive-cylindrique des obus que nous ont envoyés les Prussiens. Ces projectiles éclatent au moyen de fusées dites percutantes. Au moment où l’obus frappe le sol, une petite tige métallique terminée en pointe ou percuteur agit sur une capsule fulminante vissée sur la tête de l’obus, et le feu est mis à la poudre. L’obus éclate et les morceaux, au nombre d’une vingtaine et de grosseurs diverses, en sont projetés au loin, la plupart en avant, souvent à plusieurs centaines de mètres. La gerbe de projection affecte une forme d’éventail dont le centre est précisément le point qu’a touché l’obus. La chemise de plomb, bien que fortement laminée, striée, principalement sur la face qui s’appuyait sur la partie inférieure de l’âme du canon, est elle-même violemment séparée de l’obus, du moins dans beaucoup de cas, et elle va en larges lamelles, parfois tordues et contournées de mille façons, accroître le nombre des dégâts produits par le déchirement de la fonte.

Quand la capsule ne part pas, ce qui a lieu si l’obus tombe sur une terre grasse, humide ou poreuse, le projectile ouvre dans le sol en y pénétrant une large ouverture, de 50 à 60 centimètres de diamètre à l’entrée et d’une profondeur variable, suivant la vitesse que conservait le projectile et la nature du sol traverse, mais qui peut atteindre 2 ou 3 mètres ; on dirait la tanière d’une bête fauve. L’inclinaison du trou est celle qu’avait l’obus en arrivant et la direction celle du tir. Quelquefois l’obus éclate au fond de la chambre qu’il s’est faite, et alors la terre au-dessus est soulevée en dôme et fissurée jusqu’à la surface. Quand l’obus na pas éclaté, il serait très dangereux de l’aller chercher sans quelques précautions. Dans tous les cas, il convient de le plonger dans un seau d’eau, et de faire ensuite dévisser la capsule par un homme du métier. On vide alors lentement la poudre, et cet énorme pain de sucre de métal, revêtu sur toute la partie cylindrique d’une chemise de plomb intacte qui trahit çà et là les projetions annulaires de la fonte, ou les vives rayures produites par le passage rapide du projectile dans l’âme du canon, forme une espèce d’objet d’art bien fait pour tenter les collectionneurs. La tête même du projectile, le dôme ogival, porte sur le côté qui est violemment entré dans le sol une série de stries convergentes qu’on dirait faites au burin, et qui proviennent du frottement de la pierre sur le métal animé d’une énorme vitesse. Vers l’œil ou partie ouverte de l’obus, taraudée intérieurement pour le vissage de la fusée percutante, est une sorte de canal incliné qui traverse la fonte, allant, du dehors au de-