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considérable. L’échauffement de la pièce par le tir ne présente pas non plus le phénomène, qui se produit souvent avec le bronze, d’une sorte de liquation, laquelle, à la température d’environ 300 degrés, séparant l’étain du cuivre, met la pièce hors d’emploi. L’acier offre enfin un autre avantage sur le bronze, c’est qu’il se laisse forger sous le marteau. Le seul inconvénient du nouveau métal est qu’il faut pour les bouches à feu des qualités d’acier exceptionnelles, comme les aciers Krupp, très coûteux à obtenir, très difficiles à trouver en grandes masses ; en outre, on ne pourra se servir d’anciennes bouches à feu d’acier dans la construction d’un nouveau matériel lors d’un changement de modèle, ce qui entraînera des pertes très notables pour les états qui auront adopté les canons d’acier.

Les canons de siège prussiens appartiennent principalement aux modèles dits de 6, de 12 et de 24 rayés, se chargeant par la culasse. Le poids des obus lancés par ces canons est respectivement de 7, 14 et 28 kilogrammes. Les gros canons Krupp, dont on a tant parlé, sont des pièces de 48 et 96 (il y en a même quelques-unes d’un plus fort calibre) lançant jusqu’à 8 kilomètres des projectiles de 50 et de 94 kilogrammes[1]. Tous ces projectiles sont de forme cylindrique terminée en ogive, massifs ou creux, c’est-à-dire à l’état de boulets pleins ou d’obus. La surface cylindrique est munie extérieurement de saillies annulaires destinées à retenir une enveloppe ou chemise de plomb qui fait corps avec le projectile. Celui-ci est d’ailleurs en fonte de fer. L’avantage de l’enveloppe de métal mou (le zinc, le cuivre rouge, conviendraient presque aussi bien que le plomb, et sont même employés à la fabrication des ailettes directrices de nos obus et de nos boulets) est de forcer le projectile dans les rayures de la bouche à feu, de supprimer ainsi le vent ou passage du gaz provenant de la déflagration de la poudre, et par suite les battemens du projectile dans l’âme de la pièce ; on donne par ce moyen une grande tension à la course ou trajectoire que parcourt le projectile à la sortie du canon, en d’autres termes, on vise plus loin et plus juste, et la force de pénétration du projectile est plus grande, ce qui veut dire qu’il conserve, en arrivant au but, une bien plus grande vitesse.

L’augmentation de la portée, de la justesse du tir, de la force de pénétration, n’est pas le seul avantage qu’offre le chargement

  1. Il est à remarquer que tous ces chiffres vont en doublant, et que le poids en kilogrammes de l’obus envoyé par une pièce est à très peu près représenté par le numéro de celle-ci. Il en est de même chez nous pour notre nouvelle artillerie. Dans la marine, au lieu de désigner une pièce par le numéro de son projectile, on la désigne par le chiffre qui correspond au diamètre de l’âme exprimé en centimètres.