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présente d’ailleurs pas un grand intérêt, entre Socrate et Antiphon. Un grammairien, Adrantos, avait écrit une dissertation intitulée Quel est l’Antiphon dont a voulu parler Xénophon ? Il me semble que l’auteur des Mémorables avait répondu lui-même à cette question. Il désigne l’interlocuteur de Socrate par ces mots : Antiphon le sophiste. Or c’était comme maître de rhétorique et auteur de plaidoyers que le fils de Sophilos était connu à Athènes. Si c’était lui que Xénophon eût mis en scène, il l’aurait appelé Antiphon le rhéteur. Par cette qualification de sophiste il a voulu nous avertir qu’il était ici question d’un autre Antiphon que le célèbre Rhamnusien. Aristote mentionne aussi ce sophiste, qui, dit-il, était avec Socrate dans de mauvais termes, qui, selon toute apparence enviait son influence sur les esprits et redoutait sa dialectique L’existence de deux Antiphon à peu près contemporains, attestée par les grammairiens et indirectement confirmée par des textes moins explicites, mais plus anciens, me paraît donc hors de doute. C’est à Antiphon le sophiste, dont nous ignorons la patrie et la famille qu’il convient d’attribuer les Discours sur la vérité.

Enfin nous possédons un certain nombre de fragmens, dont quelques-uns assez étendus, qui nous sont donnés par Stobée sous cette simple rubrique : « d’Antiphon. » Stobée ne nous indique pas à quel Antiphon ils appartiennent, ni de quel ouvrage ils sont tirés C’est pourtant, croyons-nous, l’orateur qui a le droit de les revendiquer. Sa notoriété était bien plus grande que celle du sophiste son homonyme et son contemporain ; quand plus tard, sans autre désignation, on prononce le nom d’Antiphon, c’est à l’orateur que tout le monde pense : s’il se fût agi ici du sophiste, Stobée eût sans doute jugé bon, pour éviter toute confusion, de nous prévenir que c’était à lui qu’il faisait ces emprunts. Le style de ces morceaux paraît d’ailleurs ressembler beaucoup à celui des plaidoyers d’Antiphon ; peut-être seulement est-il plus travaillé, d’une élégance qui sent plus l’effort. C’est que les fragmens en question auront été détachés d’une autre partie de l’œuvre d’Antiphon. Les critiques de l’époque romaine citent, sous le nom de discours politique, discours sur la concorde, des compositions dont ils indiquent eux-mêmes le caractère spécial, lesquelles paraissent avoir été analogues à celles qui avaient fait la réputation de Gorgias, qui firent plus tard celle d’Isocrate. Ces compositions auraient été destinées à la lecture plutôt qu’à l’audition, et elles rentreraient ainsi dans ce genre que nous avons essayé de définir à propos des sophistes, le genre démonstratif ou discours d’apparat. Dans ses plaidoyers, écrits pour un autre qui les débitait en son propre nom, ce que devait chercher surtout Antiphon, c’était à s’effacer autant que pos-