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II.

C’est l’homme, son caractère et son rôle, que l’on a vu jusqu’ici dans Antiphon ; on a tenté de dégager à force d’attention cette figure originale des ombres qui l’enveloppent, d’en retrouver le mouvement et l’expression vraie. Il nous restera étudier l’écrivain, à montrer ce qu’il fit pour l’éloquence et pour la prose attique.

On avait à l’époque romaine soixante discours qui portaient le nom d’Antiphon ; mais déjà le grammairien Cœcilius, contemporain d’Auguste et l’un des critiques qui paraissent avoir le mieux connu les orateurs, dans son Commentaire sur Antiphon (σύνταγμα περί Άντιφώντοζ), en rejetait vingt-cinq comme apocryphes. Nous n’en possédons aujourd’hui plus que quinze : tous ces quinze ont été prononcés ou sont censés l’avoir été dans des causes de meurtre ; on peut donc croire qu’ils appartenaient à une même partie de la collection, qu’ils formaient le livre ou rouleau renfermant toute cette catégorie de plaidoyers. On reconnaît à divers signes que, dans les éditions des orateurs, les discours et plaidoyers étaient en général disposés non par ordre chronologique, mais par ordre de matières. Il est arrivé ainsi que, quand l’œuvre d’un orateur ne nous parvenait pas tout entière, la partie conservée, qui faisait une des subdivisions de la collection complète, ne renfermât que des plaidoyers de même espèce. Il en est ainsi pour Isée : les onze discours que nous possédons ont tous été prononcés dans des questions d’héritage. Dans ce que nous avons de Lysias, on a cru reconnaître d’une part certains livres d’une édition ordonnée d’après ce principe, et de l’autre des restes d’une édition qui n’aurait compris que les meilleurs discours, les œuvres choisies.

Des quinze discours d’Antiphon, trois sont de vrais plaidoyers, qui ont tout l’air d’avoir été débités devant un tribunal athénien ; ils ont pour titres : Accusation d’empoisonnement contre une belle-mère, — Défense pour Hélos à propos du meurtre d’Hérode, — Sur le choreute. Les douze autres sont évidemment des exercices d’école ; ils forment trois tétralogies, c’est-à-dire trois groupes composés chacun de quatre discours. Chacune de ces tétralogies contient l’accusation, la défense, une réplique du demandeur, une autre du défendeur. Toutes ces compositions sont fort courtes ; ce sont plutôt des sommaires, des canevas que des discours ; les argumens y sont plutôt indiqués que développés. Il s’agissait de montrer à l’élève, à propos d’une cause fictive, comment, dans tous les cas analogues, il pourrait tirer parti de son sujet. Voici par exemple la matière de la première tétralogie : un homme a été assailli la nuit avec l’esclave