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s’ajoutaient des renseignemens chronologiques et biographiques avec l’indication des ouvrages authentiques, douteux ou apocryphes qui lui étaient attribués. C’était là, on le devine d’après le titre, plutôt un manuel destiné aux bibliothécaires, aux professeurs, aux étudians, qu’une composition semblable à nos cours de littérature, où l’on pût chercher quelque intérêt et quelque agrément. Tout ce que l’on pouvait demander à l’auteur, c’était la solidité de l’érudition et la sûreté de la critique. Quelle confiance Callimaque méritait-il à cet égard ? Il est difficile de répondre à cette question. Nous savons qu’Aristophane de Byzance, un des maîtres de la science alexandrine, avait écrit un livre où il discutait et réfutait beaucoup des assertions de Callimaque. Ce qui paraît probable, c’est que toutes les parties de ce vaste ensemble étaient bien loin d’avoir la même valeur ; un seul homme n’aurait pu suffire à cette immense tâche. Poète lui-même, Callimaque avait étudié avec le plus grand soin les épiques, les hymnographes, les élégiaques, les lyriques, qu’il imitait avec un art ingénieux ; il était moins compétent pour ce qui regardait l’éloquence attique. On a lieu de croire que c’est lui qui a rangé les discours dont se compose la collection des orateurs dans l’ordre et sous les rubriques où nous les trouvons dans nos manuscrits ; or, pour ne parler que de Démosthène, la collection des discours qui portent son nom contient un certain nombre de pièces à propos desquelles le doute n’est point permis, qui ne peuvent évidemment pas lui appartenir. Callimaque, dans ce chapitre de son encyclopédie, aurait donc fait preuve de quelque insuffisance et de quelque légèreté.

Pour chaque genre, Callimaque, dont l’exemple fut suivi par ses successeurs, avait dressé la liste des auteurs qui l’avaient cultivé avec le plus de succès, qui étaient ce que nous appellerions les classiques. Ces listes portaient le titre, sous lequel on les apprenait par cœur dans les écoles, de canons ou règles. Il y eut le canon des poètes épiques, celui des lyriques, celui des orateurs. Il va de soi que l’arbitraire dut jouer un grand rôle dans la rédaction de ces listes ; le désir d’atteindre ou de ne pas dépasser un certain chiffre, d’aider la mémoire et d’obtenir l’uniformité, dut ici faire admettre parmi les classiques tel auteur médiocre, et là au contraire exclure et exposer ainsi à l’oubli tel écrivain distingué. Le nombre dix revient souvent dans ces tables, qu’ont reproduites les grammairiens postérieurs. C’est celui qui nous est donné pour les orateurs attiques. Ils y sont ainsi rangés, par ordre chronologique : Antiphon, Andocide, Lysias, Isocrate, Isée, Eschine, Lycurgue, Démosthène, Hypéride et Dinarque. Nous nous proposons aujourd’hui d’étudier l’homme remarquable qui figure en tête de cette liste,