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sous les climats du nord. Aussi les deux naturalistes regardaient-ils l’expédition comme un premier essai dans la voie des explorations à d’immenses profondeurs. Dans l’espace d’un mois, on ne compta pas plus de neuf jours favorables pour draguer en pleine mer, et quatre fois seulement on atteignit à plus de 500 brasses. Cependant l’expédition permit d’observer plusieurs faits intéressans relatifs à la physique du globe et aux conditions de la vie animale dans l’Océan, de rectifier des erreurs sanctionnées par de véritables autorités, et d’établir un fondement pour des recherches plus étendues propres à fournir la solution de certaines questions générales.

Les premiers jours après le départ, la brise empêche toute opération ; mais le calme étant un peu revenu à l’approche des bancs des Féroe, on juge utile, afin d’avoir des termes de comparaison, de reconnaître les espèces qui vivent à des profondeurs moyennes. La drague porte à 110 mètres et, comme la position géographique devait le faire penser, on trouve une faune qui ressemble en même temps à celle des mers britanniques et à celle de la mer du Nord. Abandonnant cette station, on s’engage dans le canal qui sépare de l’Écosse les îles Féroe ; le fond est à 915 ou 930 mètres, et en cet endroit la température s’élève à peine au-dessus de zéro, tandis qu’à la surface elle est à 10°,5 du thermomètre centigrade. Sous région froide, dans cette nature pauvre, les animaux sont peu abondans ; mais par le nombre il n’y a néanmoins aucune prédominance des types inférieurs sur les types plus élevés en organisation : les rhizopodes sont d’une extrême rareté. On descend un peu vers le sud, et par 59°36’, à la profondeur de 969 mètres, l’eau est à la température de 8°,5. Ici la scène change ; sur une vase tenace contenant des foraminifères et des éponges, on rencontre des animaux de tout genre et entre autres deux individus du fameux rhizocrine de Lofoten.

Après un retour au point de départ, devenu nécessaire pour réparer le navire et les appareils, M. Carpenter entreprend une nouvelle croisière dans les mêmes parages avec l’espoir de rencontrer quelque vallée très profonde. De ce côté, le succès fut encore médiocre ; aux endroits les plus favorables, où il y avait toujours abondance d’êtres vivans, le lit de la mer était à 1,000 ou 1,100 mètres au-dessous de la surface de l’eau, et on aurait voulu davantage ; mais, l’automne arrivé, on ne pouvait plus longtemps tenir la mer, et la suite des opérations se trouvait forcément remise à une autre époque. Malgré les circonstances contraires, les résultats de la première campagne aux alentours des îles Féroe offraient déjà une importance réelle. Les opérations régulières ayant été poussées plus loin que dans les précédentes explorations, on avait désormais la certitude que, dans les abîmes de l’Océan, la vie animale n’est pas