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L’intérêt pour l’étude des fonds de la mer commençait à se propager en Europe. Sur les côtes d’Italie, où chacun est familiarisé avec la vue de tous les beaux animaux que l’on pêche à quelque distance des rivages, des amateurs instruits songèrent à explorer les parties profondes. Par les soins du capitaine Acton, la drague fut promenée dans le golfe de Naples ; elle revint chargée de trésors, et bientôt on put admirer de précieuses collections à Portici chez le docteur Tiberi, à Naples chez le général Stefanis. Dans l’Adriatique, des opérations du même genre avaient été exécutées, et à Zara le docteur Brusina était entré en possession de richesses inestimables. Les auteurs italiens s’empressèrent de décrire les animaux qu’ils voyaient pour la première fois. Ils les croyaient absolument inconnus, parce qu’ils avaient négligé les comparaisons ; on ne pouvait donc rien conclure avant d’être mieux éclairé. Par bonheur, M. Jeffryes, comprenant la nécessité d’avoir des renseignemens exacts, fit un voyage en Italie ; il s’assura de la réalité des faits, et tout aussitôt le principal résultat fourni par les recherches effectuées dans l’Adriatique et dans le golfe de Naples fut mis dans son jour. Les êtres qui peuplent le littoral de la Méditerranée, on le sait d’une manière certaine, diffèrent spécifiquement pour la plupart de ceux des côtes de l’Océan. La température et quelques conditions biologiques moins faciles à déterminer varient beaucoup dans les eaux basses, et exercent une grande influence sur la distribution des espèces. Loin de la surface il en est autrement, et l’uniformité de la faune se fait remarquer sur une immense étendue. M. Jeffryes s’est assuré de l’identité très générale des mollusques qui vivent à de grandes profondeurs dans la Méditerranée et dans l’Océan, depuis le 36e jusqu’au 62e degré de latitude. Cette dissémination des animaux donne à croire aujourd’hui que, vers la fin de la période tertiaire, il existait entre les deux mers, du golfe de Gascogne au golfe du Lion, une large communication qui a persisté pendant l’époque glaciaire.

Avant même que les naturalistes de l’Angleterre aient fait les premières tentatives pour connaître la vie animale sur le fond des mers qui entourent les îles britanniques, les recherches étaient poursuivies avec activité sur les côtes de Norvège, du Finmark, et près des îles Lofoten, situées au-delà du cercle arctique. L’atmosphère du nord, a-t-on dit, crée des adorateurs de la nature. Après un désolant hiver, les charmes de la courte saison d’été inspirent le goût de l’étude de tout ce qui s’offre aux regards. Les observateurs Scandinaves n’ont pas manqué en effet depuis un siècle ; nulle part dans le monde la faune marine n’a été l’objet d’aussi nombreuses recherches que dans la région voisina du cercle polaire. Pendant l’année 1864 et les années suivantes, M. Ossian Sars, le