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dont la coquille n’a qu’une seule loge. Un professeur de Londres, M. Huxley, ayant eu l’occasion en 1857 d’examiner une certaine quantité de vase recueillie à des profondeurs comprises entre 3,000 et 4,400 mètres, trouva la masse composée de 85 pour 100 de globigérines, et, pour le reste, d’autres foraminifères, de divers débris d’organismes inférieurs et de particules minérales. La conviction que les globigérines, extrêmement abondantes dans les terrains crétacés, vivent aujourd’hui dans les abîmes de l’Océan fut acquise par l’habile zoologiste ; cependant elle n’entra point encore dans tous les esprits ; en l’absence d’observations précises, ne pouvait-on pas admettre que les rhizopodes flottent près de la surface de l’eau et ne tombent au fond qu’après la mort ? Mais les incertitudes au sujet de la vie dans les grandes profondeurs de la mer ne devaient plus tarder à disparaître. On s’occupait activement en Angleterre des études préliminaires pour la pose du câble transatlantique, et en 1860 le docteur Wallich, ayant pris passage sur un des bâtimens affectés à l’exploration du lit de l’Océan, apporta bientôt la preuve que la mer est habitée à d’immenses profondeurs. Sur une vaste étendue, on trouva une matière de consistance molle remplie de foraminifères morts ou vivans qui appartenaient pour la plupart au genre des globigérines, et il fut bien reconnu que ces animaux, incapables de flotter, ne se rencontraient en aucun cas sur les fonds élevés. Des êtres d’une organisation simple comme celle des rhizopodes existent-ils donc seuls dans les abîmes de l’Océan ? Les observations de M. Wallich ont appris qu’il en est autrement. À la profondeur de 814 mètres, on obtint deux crustacés ; au-dessous de 1,240 mètres, plusieurs de ces charmantes annélides tubicoles qui s’appellent des Serpules et des Spirorbis. Des zoophytes de la classe des échinodermes furent pris à la profondeur de 2,195 mètres, notamment de nombreux individus d’une sorte d’étoile de mer (Ophiocoma) de couleur rouge ou violette, et tout aussi richement peinte que les espèces répandues près du littoral. Ces zoophytes avaient l’estomac plein de globigérines, et la communauté de séjour était ainsi démontrée. M. Wallich n’eut pas la facilité de poursuivre ses recherches ; mais il comprit que ses observations seraient un point de départ dans l’étude de l’histoire naturelle de la mer.

Bientôt une circonstance permet de constater que des madrépores et même des mollusques existent dans la Méditerranée à 2,000 mètres au-dessous de la surface. Un câble destiné à relier la côte d’Alger à l’Italie avait été descendu dans la large vallée sous marine qui est située entre Cagliari et Bône. Deux ans plus tard, il fallut relever ce câble, et l’opération ne put être effectuée sans accident ; le câble se rompit. Des tronçons ramenés de la profondeur