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type un peu délaissé qui tombe aux mains d’un investigateur habile est presque toujours le sujet de quelque révélation d’un intérêt considérable.

Au temps des grandes marées, à l’heure où l’Océan recule de façon à découvrir un espace immense, se montre tout entier ce tableau sublime qui inspirait Edwards Forbes. Au bord, sur les roches que l’eau atteint à peine durant une partie du jour et de la nuit, vivent les espèces indifférentes à l’action de l’air et de la pluie : les balanes, complètement fixées sur la pierre, — les patelles, dont la coquille affecte la forme d’un cône évasé, — les buccins ondés et les littorines, ressource alimentaire presque inépuisable des habitans pauvres de la Normandie et de la Bretagne, — les actinies rouges ou les anémones de mer. Un peu plus loin, sur les parties sablonneuses, sautillent des crustacés du groupe des crevettes ; des trous indiquent le séjour de certains mollusques à coquille bivalve, des monticules trahissant la présence de plusieurs sortes d’annélides : les arénicoles, gros vers marins de couleur olivâtre portant de délicates branchies, — les cirratules, dont la tête est pourvue d’une multitude de filamens qui se pelotonnent, se contournent ou rampent dans tous les sens, — les sabelles, emprisonnées dans des tubes. Au-delà, se montre souvent une végétation serrée ; c’est la zone des plantes marines que l’on désigne sous le nom de laminaires. Ici le champ d’exploration est merveilleux, la vie est partout : les mollusques abondent, les zoophytes, les vers de tous les genres fourmillent ; sur les algues se traînent lentement des mollusques sans coquille qui peuvent être comptés au nombre des êtres les plus ravissans, tels que les doris et les éolides. En certains endroits, une végétation d’une teinte assez claire attire l’attention ; ce sont les prairies de zostères, où les animaux se trouvent semés à profusion. Plus loin, se dessine une nouvelle zone caractérisée par la présence des algues encroûtées que l’on appelle les corallines. Au milieu de ces plantes vivent des polypes et une foule d’animaux qu’on ne rencontre jamais plus près du littoral. Au moment des plus fortes marées, on n’en saurait voir davantage ; mais il a été facile encore, avec les filets et les dragues, de reconnaître une zone peuplée de coraux, de madrépores et d’une infinité d’espèces qui se tiennent constamment à distance des côtes. Dans la Méditerranée, la distribution des êtres est analogue ; seulement le spectacle reste caché. Ainsi, de même qu’en s’élevant sur la montagne, en descendant vers les profondeurs de la mer, on distingue nettement des régions que caractérisent la flore et la faune, régions sans limites précises, il est vrai, et cependant non moins réelles que les étendues géographiques, car à côté des plantes et des animaux, dont la dissémi-